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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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authorité doit certes avoir grand poix, et la
reverence de cette divine police Lacedemonienne, si grande, si
admirable, et si long temps fleurissante en vertu et en bon heur,
sans aucune institution ny exercice de lettres. Ceux qui reviennent
de ce monde nouveau qui a esté descouvert du temps de nos peres,
par les Espagnols, nous peuvent tesmoigner combien ces nations,
sans magistrat, et sans loy, vivent plus legitimement et plus
reglément que les nostres, où il y a plus d'officiers et de loix,
qu'il n'y a d'autres hommes, et qu'il n'y a d'actions.
    Di cittatorie piene et di
libelli,
D'esamine et di carte, di procure
Hanno le mani et il seno, et gran fastelli
Di chiose, di consigli et di letture,
Per cui le faculta de poverelli
Non sono mai ne le citta sicure,
Hanno dietro et dinanzi et d'ambi i lati,
Nota i procuratori et advocati.
    C'estoit ce que disoit un Senateur Romain des derniers siecles,
que leurs predecesseurs avoyent l'aleine puante à l'ail, et
l'estomach musqué de bonne conscience : et qu'au rebours, ceux
de son temps ne sentoient au dehors que le parfum, puans au dedans
à toute sorte de vices : c'est à dire, comme je pense, qu'ils
avoyent beaucoup de sçavoir et de suffisance, et grand faute de
preud'hommie. L'incivilité, l'ignorance, la simplesse, la rudesse
s'accompagnent volontiers de l'innocence : la curiosité, la
subtilité, le sçavoir, trainent la malice à leur suite :
l'humilité, la crainte, l'obeissance, la debonnaireté (qui sont les
pieces principales pour la conservation de la societé humaine)
demandent une ame vuide, docile et presumant peu de soy.
    Les Chrestiens ont une particuliere cognoissance, combien la
curiosité est un mal naturel et originel en l'homme. Le soing de
s'augmenter en sagesse et en science, ce fut la premiere ruine du
genre humain ; c'est la voye, par où il s'est precipité à la
damnation eternelle. L'orgueil est sa perte et sa corruption :
c'est l'orgueil qui jette l'homme à quartier des voyes communes,
qui luy fait embrasser les nouvelletez, et aymer mieux estre chef
d'une trouppe errante, et desvoyée, au sentier de perdition, aymer
mieux estre regent et precepteur d'erreur et de mensonge, que
d'estre disciple en l'eschole de verité, se laissant mener et
conduire par la main d'autruy, à la voye battuë et droicturiere.
C'est à l'advanture ce que dit ce mot Grec ancien, que la
superstition suit l'orgueil, et luy obeit comme à son pere : ἡ
δεισιδαιμονία ϰατάπερ πατρὶ τῷ τυφῷ πείτεται.
    O cuider, combien tu nous empesches ! Apres que Socrates
fut adverty, que le Dieu de sagesse luy avoit attribué le nom de
Sage, il en fut estonné : et se recherchant et secouant par
tout, n'y trouvoit aucun fondement à cette divine sentence. Il en
sçavoit de justes, temperants, vaillants, sçavants comme luy :
et plus eloquents, et plus beaux, et plus utiles au païs. En fin il
se resolut, qu'il n'estoit distingué des autres, et n'estoit sage
que par ce qu'il ne se tenoit pas tel : et que son Dieu
estimoit bestise singuliere à l'homme, l'opinion de science et de
sagesse : et que sa meilleure doctrine estoit la doctrine de
l'ignorance, et la simplicité sa meilleure sagesse.
    La saincte Parole declare miserables ceux d'entre nous, qui
s'estiment : Bourbe et cendre, leur dit-elle, qu'as-tu à te
glorifier ? et ailleurs, Dieu a faict l'homme semblable à
l'ombre, de laquelle qui jugera, quand par l'esloignement de la
lumiere elle sera esvanouye ? Ce n'est rien que de nous :
Il s'en faut tant que nos forces conçoivent la haulteur divine, que
des ouvrages de nostre createur, ceux-là portent mieux sa marque,
et sont mieux siens, que nous entendons le moins. C'est aux
Chrestiens une occasion de croire, que de rencontrer une chose
incroyable : Elle est d'autant plus selon raison, qu'elle est
contre l'humaine raison. Si elle estoit selon raison, ce ne seroit
plus miracle ; et si elle estoit selon quelque exemple, ce ne
seroit plus chose singuliere.
Melius scitur Deus
nesciendo
, dit S. Augustin. Et Tacitus,
Sanctius est ac
reverentius de actis Deorum credere quam scire
.
    Et Platon estime qu'il y ayt quelque vice d'impieté à trop
curieusement s'enquerir et de Dieu, et du monde, et des causes
premieres des choses.
     
    Atque illum quidem parentem hujus universitatis invenire
difficile : et, quum jam inveneris, indicare in vulgus,
nefas
, dit Ciceron.
    Nous disons bien puissance, verité, justice : ce

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