Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
Vom Netzwerk:
peu
croches, consentement : le poing fermé, comprehension :
quand de la main gauche il venoit encore à clorre ce poing plus
estroit, science.
    Or cette assiette de leur jugement droicte, et inflexible,
recevant tous objects sans application et consentement, les
achemine à leur Ataraxie ; qui est une condition de vie
paisible, rassise, exempte des agitations que nous recevons par
l'impression de l'opinion et science, que nous pensons avoir des
choses. D'où naissent la crainte, l'avarice, l'envie, les desirs
immoderez, l'ambition, l'orgueil, la superstition, l'amour de
nouvelleté, la rebellion, la desobeyssance, l'opiniastreté, et la
pluspart des maux corporels : Voire ils s'exemptent par là, de
la jalousie de leur discipline. Car ils debattent d'une bien molle
façon. Ils ne craignent point la revenche à leur dispute. Quand ils
disent que le poisant va contre-bas, ils seroient bien marris qu'on
les en creust ; et cherchent qu'on les contredie, pour
engendrer la dubitation et surseance de jugement, qui est leur fin.
Ils ne mettent en avant leurs propositions, que pour combattre
celles qu'ils pensent, que nous ayons en nostre creance. Si vous
prenez la leur, il prendront aussi volontiers la contraire à
soustenir : tout leur est un : ils n'y ont aucun choix.
Si vous establissez que la neige soit noire, ils argumentent au
rebours, qu'elle est blanche. Si vous dites qu'elle n'est ny l'un,
ny l'autre, c'est à eux à maintenir qu'elle est tous les deux. Si
par certain jugement vous tenez, que vous n'en sçavez rien, ils
vous maintiendront que vous le sçavez. Ouï, et si par un axiome
affirmatif vous asleurez que vous en doutez, ils vous iront
debattant que vous n'en doutez pas ; ou que vous ne pouvez
juger et establir que vous en doutez. Et par cette extremité de
doubte, qui se secoue soy-mesme, ils se separent et se divisent de
plusieurs opinions, de celles mesmes, qui ont maintenu en plusieurs
façons, le doubte et l'ignorance.
    Pourquoy ne leur sera-il permis, disent-ils, comme il est entre
les dogmatistes, à l'un dire vert, à l'autre jaulne, à eux aussi de
doubter ? Est-il chose qu'on vous puisse proposer pour
l'advouer ou refuser, laquelle il ne soit pas loisible de
considerer comme ambigue ? Et où les autres sont portez, ou
par la coustume de leurs païs, ou par l'institution des parens, ou
par rencontre, comme par une tempeste, sans jugement et sans choix,
voire le plus souvent avant l'aage de discretion, à telle ou telle
opinion, à la secte ou Stoïque ou Epicurienne, à laquelle ils se
treuvent hypothequez, asserviz et collez, comme à une prise qu'ils
ne peuvent desmordre :
ad quamcumque disciplinam, velut
tempestate, delati, ad eam, tanquam ad saxum, adhærescunt
.
Pourquoy à ceux-cy, ne sera-il pareillement concedé, de maintenir
leur liberté, et considerer les choses sans obligation et
servitude ?
Hoc liberiores Et solutiores, quod integra
illis est judicandi potestas
. N'est-ce pas quelque advantage,
de se trouver desengagé de la necessité, qui bride les
autres ? Vaut-il pas mieux demeurer en suspens que de
s'infrasquer en tant d'erreurs que l'humaine fantasie a
produictes ? Vaut-il pas mieux suspendre sa persuasion, que de
se mesler à ces divisions seditieuses et querelleuses ?
Qu'iray-je choisir ? Ce qu'il vous plaira, pourveu que vous
choisissiez. Voila une sotte responce : à laquelle il semble
pourtant que tout le dogmatisme arrive : par qui il ne vous
est pas permis d'ignorer ce que nous ignorons. Prenez le plus
fameux party, jamais il ne sera si seur, qu'il ne vous faille pour
le deffendre, attaquer et combattre cent et cent contraires partis.
Vaut-il pas mieux se tenir hors de cette meslée ? Il vous est
permis d'espouser comme vostre honneur et vostre vie, la creance
d'Aristote sur l'eternité de l'ame, et desdire et desmentir Platon
là dessus, et à eux il sera interdit d'en doubter ? S'il est
loisible à Panætius de soustenir son jugement autour des aruspices,
songes, oracles, vaticinations, desquelles choses les Stoiciens ne
doubtent aucunement : Pourquoy un sage n'osera-il en toutes
choses, ce que cettuy-cy ose en celles qu'il a apprinses de ses
maistres : establies du commun consentement de l'eschole, de
laquelle il est sectateur et professeur ? Si c'est un enfant
qui juge, il ne sçait que c'est : si c'est un sçavant, il est
præoccuppé. Ils se sont reservez un merveilleux advantage au
combat, s'estans deschargez du soin de se couvrir. Il ne

Weitere Kostenlose Bücher