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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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vitieusement : et que l'interest de la substance, ne
doyve souvent ceder à l'interest de la forme. Je voudrois à ce
mestier, un homme contant de sa fortune,
    Quod sit, esse velit, nihilque
malit 
:
    et nay de moyenne fortune : D'autant, que d'une part, il
n'auroit point de crainte de toucher vivement et profondement le
coeur du maistre, pour ne perdre par là, le cours de son
avancement : Et d'autre part, pour estre d'une condition
moyenne, il auroit plus aysee communication à toute sorte de gens.
Je le voudroy à un homme seul : car respandre le privilege de
ceste liberté et privauté à plusieurs, engendreroit une nuisible
irreverence. Ouy, et de celuy là, je requerroy sur tout la fidelité
du silence.
    Un Roy n'est pas à croire, quand il se vante de sa constance, à
attendre le rencontre de l'ennemy, pour sa gloire : si pour
son profit et amendement, il ne peut souffrir la liberté des
parolles d'un amy, qui n'ont autre effort, que de luy pincer
l'ouye : le reste de leur effect estant en sa main. Or il
n'est aucune condition d'hommes, qui ait si grand besoing, que
ceux-là, de vrais et libres advertissemens. Ils soustiennent une
vie publique, et ont à agreer à l'opinion de tant de spectateurs,
qui comme on a accoustumé de leur taire tout ce qui les divertit de
leur route, ils se trouvent sans le sentir, engagez en la haine et
detestation de leurs peuples, pour des occasions souvent, qu'ils
eussent peu eviter, à nul interest de leurs plaisirs mesme, qui les
en eust advisez et redressez à temps. Communement leurs favorits
regardent à soy, plus qu'au maistre : Et il leur va de
bon : d'autant qu'à la verité, la plus part des offices de la
vraye amitié, sont envers le souverain, en un rude et perilleux
essay : De maniere, qu'il y fait besoin, non seulement
beaucoup d'affection et de franchise, mais encore de courage.
    En fin, toute ceste fricassee que je barbouille ici, n'est qu'un
registre des essais de ma vie : qui est pour l'interne santé
exemplaire assez, à prendre l'instruction à contrepoil. Mais quant
a la santé corporelle, personne ne peut fournir d'experience plus
utile que moy : qui la presente pure, nullement corrompue et
alteree par art, et par opination. L'experience est proprement sur
son fumier au subject de la medecine, où la raison luy quitte toute
la place. Tybere disoit, que quiconque avoit vescu vingt ans, se
devoit respondre des choses qui luy estoient nuisibles ou
salutaires, et se sçavoir conduire sans medecine. Et le pouvoit
avoir apprins de Socrates : lequel conseillant à ses disciples
soigneusement, et comme un tres principal estude, l'estude de leur
santé, adjoustoit, qu'il estoit malaisé, qu'un homme d'entendement,
prenant garde à ses exercices à son boire et à son manger, ne
discernast mieux que tout medecin, ce qui luy estoit bon ou
mauvais. Si fait la medecine profession d'avoir tousjours
l'experience pour touche de son operation. Ainsi Platon avoit
raison de dire, que pour estre vray medecin, il seroit necessaire
que celuy qui l'entreprendroit, eust passé par toutes les maladies,
qu'il veut guerir, et par tous les accidens et circonstances dequoy
il doit juger. C'est raison qu'ils prennent la verole, s'ils la
veulent sçavoir penser. Vrayement je m'en fierois à celuy la. Car
les autres nous guident, comme celuy qui peint les mers, les
escueils et les ports, estant assis, sur sa table, et y faict
promener le modele d'un navire en toute seurté : Jettez-le à
l'effect, il ne sçait par où s'y prendre : Ils font telle
description de nos maux, que faict un trompette de ville, qui crie
un cheval ou un chien perdu, tel poil, telle hauteur, telle
oreille : mais presentez le luy, il ne le cognoit pas
pourtant.
    Pour Dieu, que la medecine me face un jour quelque bon et
perceptible secours, voir comme je crieray de bonne foy,
    Tandem efficaci do manus scientiæ
.
    Les arts qui promettent de nous tenir le corps en santé, et
l'ame en santé, nous promettent beaucoup : mais aussi n'en
est-il point, qui tiennent moins ce qu'elles promettent. Et en
nostre temps, ceux qui font profession de ces arts entre nous, en
monstrent moins les effects que tous autres hommes. On peut dire
d'eux, pour le plus, qu'ils vendent les drogues medecinales :
mais qu'ils soient medecins, cela ne peut on dire.
    J'ay assez vescu, pour mettre en comte l'usage, qui m'a conduict
si loing. Pour qui en voudra gouster : j'en ay faict l'essay,
son eschançon. En voyci quelques

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