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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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articles, comme la souvenance me
les fornira. Je n'ay point de façon, qui ne soit allee variant
selon les accidents : Mais j'enregistre celles, que j'ay plus
souvent veu en train : qui ont eu plus de possession en moy
jusqu'à ceste heure. Ma forme de vie, est pareille en maladie comme
en santé : mesme lict, mesmes heures, mesmes viandes me
servent, et mesme breuvage. Je n'y adjouste du tout rien, que la
moderation du plus et du moins, selon ma force et appetit. Ma
santé, c'est maintenir sans destourbier mon estat accoustumé. Je
voy que la maladie m'en desloge d'un costé : si je crois les
medecins, ils m'en destourneront de l'autre : et par fortune,
et par art, me voyla hors de ma routte. Je ne crois rien plus
certainement que cecy : que je ne sçauroy estre offencé par
l'usage des choses que j'ay si long temps accoustumees.
    C'est à la coustume de donner forme à nostre vie, telle qu'il
luy plaist, elle peult tout en cela. C'est le breuvage de Circé,
qui diversifie nostre nature, comme bon luy semble. Combien de
nations, et à trois pas de nous, estiment ridicule la craincte du
serein, qui nous blesse si apparemment : et nos bateliers et
nos paysans s'en moquent. Vous faites malade un Alleman, de le
coucher sur un matelas : comme un Italien sur la plume, et un
François sans rideau et sans feu. L'estomach d'un Espagnol, ne dure
pas à nostre forme de manger, ny le nostre à boire à la
Souysse.
    Un Allemand me feit plaisir à Auguste, de combattre
l'incommodité de nos fouyers, par ce mesme argument, dequoy nous
nous servons ordinairement à condamner leurs poyles. Car à la
verité, ceste chaleur croupie, et puis la senteur de ceste matiere
reschauffée, dequoy ils sont composez, enteste la plus part de ceux
qui n'y sont experimentez : moy non. Mais au demeurant, estant
ceste chaleur egale, constante et universelle, sans lueur, sans
fumée, sans le vent que l'ouverture de nos cheminées nous apporte,
elle a bien par ailleurs, dequoy se comparer à la nostre. Que
n'imitons nous l'architecture Romaine ? Car on dit, que
anciennement, le feu ne se faisoit en leurs maisons que par le
dehors, et au pied d'icelles : d'où s'inspiroit la chaleur à
tout de logis, par les tuyaux practiquez dans l'espais du mur,
lesquels alloient embrassant les lieux qui en devoient estre
eschauffez. Ce que j'ay veu clairement signifié, je ne sçay où, en
Seneque. Cestuy-cy, m'oyant louër les commoditez, et beautez de sa
ville : qui le merite certes : commença à me plaindre,
dequoy j'avois à m'en eslongner. Et dés premiers inconveniens qu'il
m'allega, ce fut la poisanteur de teste, que m'apporteroient les
cheminées ailleurs. Il avoit ouï faire ceste plainte à quelqu'un,
et nous l'attachoit, estant privé par l'usage de l'appercevoir chez
luy. Toute chaleur qui vient du feu, m'affoiblit et m'appesantit.
Si disoit Evenus, que le meilleur condiment de la vie, estoit le
feu. Je prens plustost toute autre façon d'eschaper au froid.
    Nous craignons les vins au bas : en Portugal, ceste fumée
est en delices, et est le breuvage des princes. En somme, chasque
nation a plusieurs coustumes et usances, qui sont non seulement
incognues, mais farouches et miraculeuses à quelque autre
nation.
    Que ferons nous à ce peuple, qui ne fait recepte que de
tesmoignages imprimez, qui ne croit les hommes s'ils ne sont en
livre, ny la verité, si elle n'est d'aage competant ? Nous
mettons en dignité nos sottises, quand nous les mettons en moule.
Il y a bien pour luy, autre poix, de dire : je l'ay leu :
que si vous dictes : je l'ay ouy dire. Mais moy, qui ne
mescrois non plus la bouche, que la main des hommes : et qui
sçay qu'on escript autant indiscretement qu'on parle : et qui
estime ce siecle, comme un autre passé, j'allegue aussi volontiers
un mien amy, que Aulugelle, et que Macrobe : et ce que j'ay
veu, que ce qu'ils ont escrit. Et comme ils tiennent de la vertu,
qu'elle n'est pas plus grande, pour estre plus longue :
j'estime de mesme de la verité, que pour estre plus vieille, elle
n'est pas plus sage. Je dis souvent que c'est pure sottise, qui
nous fait courir apres les exemples estrangers et
scholastiques : Leur fertilité est pareille à cette heure à
celle du temps d'Homere et de Platon. Mais n'est-ce pas, que nous
cherchons plus l'honneur de l'allegation, que la verité du
discours ? Comme si c'estoit plus d'emprunter, de la boutique
de Vascosan, ou de Plantin, nos preuves, que de ce qui se voit en
nostre

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