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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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entre les fuyans : et le consideray tout à mon
aise, et en seureté, car j'estois sur un bon cheval, et luy à pied,
et avions ainsi combatu. Je remarquay premierement, combien il
montroit d'avisement et de resolution, au prix de Lachez : et
puis la braverie de son marcher, nullement different du sien
ordinaire : sa veue ferme et reglee, considerant et jugeant ce
qui se passoit autour de luy : regardant tantost les uns,
tantost les autres, amis et ennemis, d'une façon, qui encourageoit
les uns, et signifioit aux autres, qu'il estoit pour vendre bien
cher son sang et sa vie, à qui essayeroit de la luy oster, et se
sauverent ainsi : car volontiers on n'attaque pas ceux-cy, on
court apres les effraiez. Voylà le tesmoignage de ce grand
Capitaine : qui nous apprend ce que nous essaions tous les
jous, qu'il n'est rien qui nous jette tant aux dangers, qu'une faim
inconsideree de nous en mettre hors.
Quo timoris minus est, eo
minus fermè periculi est
. Nostre peuple a tort, de dire,
celuy-là craint la mort, quand il veut exprimer, qu'il y songe, et
qu'il la prevoit. La prevoyance convient egallement à ce qui nous
touche en bien, et en mal. Considerer et juger le danger, est
aucunement le rebours de s'en estonner.
    Je ne me sens pas assez fort pour soustenir le coup, et
l'impetuosité, de cette passion de la peur, ny d'autre vehemente.
Si j'en estois un coup vaincu, et atterré, je ne m'en releverois
jamais bien entier. Qui auroit faict perdre pied à mon ame, ne la
remettroit jamais droicte en sa place. Elle se retaste et recherche
trop vifvement et profondement : Et pourtant, ne lairroit
jamais ressoudre et consolider la playe qui l'auroit percee. Il m'a
bien pris qu'aucune maladie ne me l'ayt encore desmise. A chasque
charge qui me vient, je me presente et oppose, en mon haut
appareil. Ainsi la premiere qui m'emporteroit, me mettroit sans
resource. Je n'en fais point à deux. Par quelque endroict que le
ravage fauçast ma levee, me voyla ouvert, et noyé sans remede.
Epicurus dit, que le sage ne peut jamais passer à un estat
contraire. J'ay quelque opinion de l'envers de cette
sentence ; que qui aura esté une fois bien fol, ne sera nulle
autre fois bien sage.
    Dieu me donne le froid selon la robe, et me donne les passions
selon le moyen que j'ay de les soustenir. Nature m'ayant descouvert
d'un costé, m'a couvert de l'autre : M'ayant desarmé de force,
m'a armé d'insensibilité, et d'une apprehension reiglee, ou
mousse.
    Or je ne puis souffrir long temps (et les souffrois plus
difficilement en jeunesse) ny coche, ny littiere, ny bateau, et hay
toute autre voiture que de cheval, et en la ville, et aux
champs : Mais je puis souffrir la lictiere, moins qu'un
coche : et par mesme raison, plus aisement une agitation rude
sur l'eau, d'où se produict la peur, que le mouvement qui se senten
temps calme. Par cette legere secousse, que les avirons donnent,
desrobant le vaisseau soubs nous, je me sens brouiller, je ne sçay
comment, la teste et l'estomach : comme je ne puis souffrir
soubs moy un siege tremblant. Quand la voile, ou le cours de l'eau,
nous emporte esgallement, ou qu'on nous touë, cette agitation unie,
ne me blesse aucunement. C'est un remuement interrompu, qui
m'offence : et plus, quand il est languissant. Je ne sçaurois
autrement peindre sa forme. Les medecins m'ont ordonné de me
presser et sangler d'une serviette le bas du ventre, pour remedier
à cet accident : ce que je n'ay point essayé, ayant accoustumé
de lucter les deffauts qui sont en moy, et les dompter par
moy-mesme.
    Si j'en avoy la memoire suffisamment informee, je ne pleindroy
mon temps à dire icy l'infinie varieté, que les histoires nous
presentent de l'usage des coches, au service de la guerre :
divers selon les nations, selon les siecles : de grand effect,
ce me semble, et necessité. Si que c'est merveille, que nous en
ayons perdu toute cognoissance. J'en diray seulement cecy, que tout
freschement, du temps de nos peres, les Hongres les mirent
tres-utilement en besongne contre les Turcs : en chacun y
ayant un rondellier et un mousquetaire, et nombre de harquebuzes
rengees, prestes et chargees : le tout couvert d'une pavesade,
à la mode d'une galliotte. Ils faisoient front à leur bataille de
trois mille tels coches : et apres que le canon avoit joué,
les faisoient tirer, et avaller aux ennemys cette salue, avant que
de taster le reste : qui n'estoit pas un leger
avancement : ou descochoient lesdits coches dans

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