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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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merite. Nous
jugeons de luy non selon sa valeur : mais à la mode des
getons, selon la prerogative de son rang. Que la chanse tourne
aussi, qu'il retombe et se mesle à la presse : chacun
s'enquiert avec admiration de la cause qui l'avoit guindé si haut.
Est-ce luy ? faict on : n'y sçavoit il autre chose quand
il y estoit ? les Princes se contentent ils de si peu ?
nous estions vrayement en bonnes mains. C'est chose que j'ay veu
souvent de mon temps. Voyre et le masque des grandeurs, qu'on
represente aux comedies, nous touche aucunement et nous pippe. Ce
que j'adore moy-mesmes aux Roys, c'est la foule de leurs
adorateurs. Toute inclination et soubsmission leur est deuë, sauf
celle de l'entendement : Ma raison n'est pas duite à se
courber et fleschir, ce sont mes genoux.
    Melanthius interrogé ce qu'il luy sembloit de la tragedie de
Dionysius : Je ne l'ay, dit-il, point veuë, tant elle est
offusquee de langage : Aussi la pluspart de ceux qui jugent
les discours des grans, debvroient dire : Je n'ay point
entendu son propos, tant il estoit offusqué de gravité, de
grandeur, et de majesté.
    Antisthenes suadoit un jour aux Atheniens, qu'ils commandassent,
que leurs asnes fussent aussi bien employez au labourage des
terres, comme estoyent les chevaux : sur quoy il luy fut
respondu, que cet animal n'estoit pas nay à un tel service :
C'est tout un, repliqua il ; il n'y va que de vostre
ordonnance : car les plus ignorans et incapables hommes, que
vous employez aux commandemens de vos guerres, ne laissent pas d'en
devenir incontinent tres-dignes, par ce que vous les y
employez.
    A quoy touche l'usage de tant de peuples, qui canonizent le Roy,
qu'ils ont faict d'entre eux, et ne se contentent point de
l'honnorer, s'ils ne l'adorent. Ceux de Mexico, dépuis que les
ceremonies de son Sacre sont parachevees, n'osent plus le regarder
au visage : ains comme s'ils l'avoient deifié par sa royauté,
entre les serments qu'ils luy font jurer, de maintenir leur
religion, leurs loix, leurs libertez, d'estre vaillant, juste et
debonnaire : il jure aussi, de faire marcher le soleil en sa
lumiere accoustumee : d'esgouster les nuees en temps
opportun : courir aux rivieres leurs cours : et faire
porter à la terre toutes choses necessaires à son peuple.
    Je suis divers à cette façon commune : et me deffie plus de
la suffisance, quand je la vois accompagnée de grandeur de fortune,
et de recommandation populaire. Il nous fault prendre garde,
combien c'est, de parler à son heure, de choisir son poinct, de
rompre le propos, ou le changer, d'une authorité magistrale :
de se deffendre des oppositions d'autruy, par un mouvement de
teste, un sous-ris, ou un silence, devant une assistance, qui
tremble dereverence et de respect.
    Un homme de monstrueuse fortune, venant mesler son advis à
certain leger propos, qui se demenoit tout laschement, en sa table,
commença justement ainsi : Ce ne peut estre qu'un menteur ou
ignorant, qui dira autrement que, etc. Suyvez cette poincte
philosophique, un poignart à la main.
    Voicy un autre advertissement, duquel je tire grand usage. C'est
qu'aux disputes et conferences, tous les mots qui nous semblent
bons, ne doivent pas incontinent estre acceptez. La plus part des
hommes sont riches d'une suffisance estrangere. Il peut bien
advenir à tel, de dire un beau traict, une bonne responce et
sentence, et la mettre en avant, sans en cognoistre la force. Qu'on
ne tient pas tout ce qu'on emprunte, à l'adventure se pourra-il
verifier par moy-mesme. Il n'y faut point tousjours ceder, quelque
verité ou beauté qu'elle ayt. Où il la faut combatre à escient, ou
se tirer arriere, soubs couleur de ne l'entendre pas : pour
taster de toutes parts, comment elle est logee en son autheur. Il
peut advenir, que nous nous enferrons, et aydons au coup, outre sa
portee. J'ay autrefois employé à la necessité et presse du combat,
des revirades, qui ont faict faucee outre mon dessein, et mon
esperance. Je ne les donnois qu'en nombre, on les reçevoit en poix.
Tout ainsi, comme, quand je debats contre un homme vigoureux ;
je me plais d'anticiper ses conclusions : je luy oste la peine
de s'interpreter : j'essaye de prevenir son imagination
imparfaicte encores et naissante : l'ordre et la pertinence de
son entendement, m'advertit et menace de loing : de ces autres
je fais tout le rebours, il ne faut rien entendre que par eux, ny
rien presupposer. S'ils jugent en parolles universelles : Cecy
est

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