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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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d'allegresse.
Et le plus souvent encore cette outrecuidance de langage et gayeté
de visage, leur donné gaigné, à l'endroit de l'assistance, qui est
communément foible et incapable de bien juger, et discerner les
vrays advantages. L'obstination et ardeur d'opinion, est la plus
seure preuve de bestise. Est il rien certain, resolu, dedeigneux,
contemplatif, serieux, grave, comme l'asne ?
    Pouvons nous pas mesler au tiltre de la conference et
communication, les devis poinctus et coupez que l'alegresse et la
privauté introduit entre les amis, gaussans et gaudissans
plaisamment et vifvement les uns les autres ? Exercice auquel
ma gayeté naturelle me rend assez propre : Et s'il n'est aussi
tendu et serieux que cet autre exercice que je viens de dire, il
n'est pas moins aigu et ingenieux, ny moins profitable, comme il
sembloit à Lycurgus. Pour mon regard j'y apporte plus de liberté
que d'esprit, et y ay plus d'heur que d'invention : mais je
suis parfaict en la souffrance : car j'endure la revenche, non
seulement aspre, mais indiscrete aussi, sans alteration. Et à la
charge qu'on me fait, si je n'ay dequoy repartir brusquement sur le
champ, je ne vay pas m'amusant à suivre cette poincte, d'une
contestation ennuyeuse et lasche, tirant à l'opiniastreté : Je
la laisse passer, et baissant joyeusement les oreilles, remets d'en
avoir ma raison à quelque heure meilleure : Il n'est pas
marchant qui tousjours gaigne. La plus part changent de visage, et
de voix, où la force leur faut : et par une importune cholere,
au lieu de se venger, accusent leur foiblesse, ensemble et leur
impatience. En cette gaillardise nous pinçons par fois des cordes
secrettes de nos imperfections, lesquelles, rassis, nous ne pouvons
toucher sans offence : et nous entradvertissons utilement de
nos deffauts.
    Il y a d'autres jeux de main, indiscrets et aspres, à la
Françoise : que je hay mortellement : J'ay la peau tendre
et sensible : J'en ay veu en ma vie, enterrer deux Princes de
nostre sang royal. Il fait laid se battre en s'esbatant.
    Au reste, quand je veux juger de quelqu'un, je luy demande,
combien il se contente de soy : jusques où son parler où sa
besongne luy plaist. Je veux eviter ces belles excuses, Je le fis
en me joüant :
    Ablatum mediis opus est incudibus
istud 
:
    je n'y fus pas une heure : je ne l'ay reveu depuis. Or
dis-je, laissons donc ces pieces, donnez m'en une qui vous
represente bien entier, par laquelle il vous plaise qu'on vous
mesure. Et puis : que trouvez vous le plus beau en vostre
ouvrage ? est-ce ou cette partie, ou cette cy ? la grace,
ou la matiere, ou l'invention, ou le jugement, ou la science. Car
ordinairement je m'apperçoy, qu'on faut autant à juger de sa propre
besongne, que de celle d'autruy : Non seulement pour
l'affection qu'on y mesle : mais pour n'avoir la suffisance de
la cognoistre et distinguer. L'ouvrage de sa propre force, et
fortune peult seconder l'ouvrier et le devancer outre son
invention, et cognoissance. Pour moy, je ne juge la valeur d'autre
besongne, plus obscurement que de la mienne : et loge les
Essais tantost bas, tantost haut, fort inconstamment et
doubteusement.
    Il y a plusieurs livres utiles à raison de leurs subjects,
desquels l'autheur ne tire aucune recommandation : Et des bons
livres, comme des bons ouvrages, qui font honte à l'ouvrier.
J'escriray la façon de nos convives, et de nos vestemens : et
l'escriray de mauvaise grace : je publieray les edicts de mon
temps, et les lettres des Princes qui passent és mains
publiques : je feray un abbregé sur un bon livre (et tout
abbregé sur un bon livre est un sot abbregé) lequel livre viendra à
se perdre : et choses semblables. La posterité retirera
utilité singuliere de telles compositions : moy quel honneur,
si ce n'est de ma bonne fortune ? Bonne part des livres
fameux, sont de cette condition.
    Quand je leuz Philippes de Comines, il y a plusieurs annees,
tresbon autheur certes ; j'y remarquay ce mot pour non
vulgaire : Qu'il se faut bien garder de faire tant de service
à son maistre, qu'on l'empesche d'en trouver la juste recompence.
Je devois louer l'invention, non pas luy. Je la rencontray en
Tacitus, il n'y a pas long temps :
Beneficia eo usque læta
sunt, dum videntur exolvi posse, ubi multum antevenere, pro gratia
odium redditur
. Et Seneque vigoureusement.
Nam qui putat
esse turpe non reddere, non vult esse cui reddat
. Q. Cicero
d'un biais plus lasche :
Qui se non putat

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