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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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manuscrit d’un discours à la main. Le plus surprenant restait pourtant le décor devant elle.
    Sur la table entourée de fauteuils Empire élimés, où la maîtresse de maison avait l’habitude de prendre son café allongé de grappa, Alessandro et elle (qui d’autre ?) avaient disposé une singulière collection d’articles recouvrant presque l’ensemble du plateau. Le commissaire distingua des verres à vin de différentes formes (tous aux armes des Tron), des verres à eau blancs ou colorés, des coupes en verre, des boîtes en verre, deux gondoles en verre, une demi-douzaine de coupe-papier en verre – tout cela présenté comme des produits lors d’une exposition.
    Pris ! songea Tron. Il ne savait certes pas trop ce qu’ils manigançaient, mais la façon dont ils le regardaient – comme s’il s’agissait d’un revenant – et le coup d’œil embarrassé qu’ils échangèrent prouvaient qu’il les avait pris sur le fait. Il sourit pour détendre l’atmosphère.
    — Je dérange ?
    La comtesse secoua la tête.
    — Pas du tout !
    — Puis-je vous demander ce que vous êtes en train de faire ?
    — Nous vérifions les stocks de verres.
    Tron toussota.
    — Les stocks de verres ?
    De nouveau, sa mère adressa un rapide coup d’œil au majordome. Puis elle haussa les épaules d’un air résigné et dit :
    — Assieds-toi, Alvise.
    Elle se laissa elle-même tomber dans un des fauteuils, faisant ainsi tinter les verres sur la table – les produits , comme Tron ne put s’empêcher de penser.
    — Veux-tu un café ?
    La comtesse qui, à l’instant encore, avait un ton coupable et troublé, avait recouvré une voix normale – voire légèrement agressive.
    Son fils comprit qu’elle voulait juste s’entretenir avec lui seule à seul. Il hocha la tête.
    Lorsque Alessandro fut sorti, elle tendit la main vers la fenêtre.
    — Que vois-tu là, Alvise ?
    Son fils se tourna dans la direction indiquée. Il aperçut les rideaux ouverts, le châssis qui avait bougé et, au milieu du gris très sombre des vitres, plusieurs points lumineux, à peine visibles – les fenêtres du palais Marcello de l’autre côté du Grand Canal.
    — Une fenêtre et des rideaux.
    Un petit sourire flotta sur des lèvres de sa mère.
    — C’est ce que je pensais. Tu ne vois plus, dit-elle en soupirant. Moi, je vois de la buée , des gouttes d’eau qui glissent sur le carreau. Dès qu’il fera plus froid, ce sera du givre. Je vois du tissu auquel les mites se sont attaquées il y a déjà quarante ans.
    — Et alors ?
    Elle lui jeta le regard d’une institutrice obligée de répéter toujours la même chose à un écolier impardonnable.
    — As-tu regardé les fenêtres du palais Balbi-Valier ?
    — Tu veux sans doute en venir au constat que les vitres y sont sèches et les mites inconnues ?
    Elle fit oui de la tête.
    — Tout aussi inconnu que les toits percés et le crépi qui s’effrite.
    — Manifestement, cette visite t’a beaucoup impressionnée.
    — Cette visite aurait dû avoir lieu bien plus tôt. Dans un sens, elle fut très instructive.
    — Tu n’as jamais laissé entendre que tu souhaitais une telle démarche.
    — J’admets volontiers qu’il y a eu, sur tel ou tel point, un malentendu entre la princesse et moi.
    — J’ai toujours eu le sentiment, confirma Tron, que tu considérais ses activités professionnelles d’un œil assez critique.
    — C’est vrai ? s’étonna-t-elle avec un air de sainte-nitouche.
    — Pour le moins, répondit-il.
    — Je ne peux pas nier, concéda-t-elle, avoir suggéré ici et là que la princesse manquait un peu d’entregent. Mais à ma connaissance, je ne me suis jamais risquée à aucun commentaire sur ses activités professionnelles.
    Il renonça à la contredire.
    — En tout cas, tu as maintenant changé d’avis, constata-t-il.
    Cette formulation déplut à la comtesse qui tint à la corriger.
    — Je me suis maintenant forgé un avis.
    — Et alors ?
    Elle lui adressa un regard aussi froid que les verres posés sur la table qui les séparait.
    — Il serait bon que tu acquières un soupçon de sens commercial, Alvise.
    — C’est Maria qui dit cela ?
    — Pas du tout ! Elle n’y a pas fait la moindre allusion – même si j’imagine que ce sujet revient de temps à autre dans vos conversations…
    Elle marqua une petite pause et le fixa par-dessus la table. Comme il ne répondit rien, elle reprit :
    — Les

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