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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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d’eau ! Mais comment se fait-il qu’elle soit venue ?
    Et comment se faisait-il, se demanda le commissaire, que cette histoire lui inspirât un tel malaise ? Il n’avait rien contre un accommodement entre les deux femmes de sa vie, mais le déplacement impromptu de sa mère au palais Balbi-Valier le rendait méfiant.
    — Alessandro m’a prié de lui faire voir le monte-plat, répondit la princesse.
    — Et il a sans doute raconté à ma mère que tu te réjouirais de l’accueillir ? enchaîna Tron.
    Elle ne put contenir un sourire.
    — Alessandro est un intrigant. Mais je ne lui en veux pas.
    — Pour quelle raison ?
    Elle réfléchit un instant.
    — Cette visite est une bonne chose.
    Elle se servit une petite portion du peu qui restait de gelée au rhum, la laissa cependant dans son assiette sans y toucher.
    — Peut-être m’étais-je trompée sur le compte de ta mère…
    Le commissaire plissa légèrement le front.
    — La comtesse sait se rendre aux arguments valables.
    — Tu veux dire que tu l’as convaincue de reprendre la production de verre ?
    Les yeux de la princesse lancèrent un éclair dangereux.
    — C’est le monte-plat qui l’a convaincue, Tron. Ainsi que la chaleur et l’absence d’humidité.
    — Seulement, pour acheter un monte-plat, elle doit fabriquer du verre, reprit-il sur un ton excessivement sarcastique. Voilà de quoi tu l’as persuadée ?
    La princesse qui, d’ordinaire, ne laissait jamais passer une occasion de se disputer n’était manifestement pas d’humeur à batailler.
    — Elle n’aura bien entendu à s’occuper de rien en ce qui concerne la production, répondit-elle en termes concrets, avant d’ajouter sur un ton presque badin : Nous avons plutôt pensé pour elle à un domaine de vente en rapport avec la représentation.
    Pendant un instant, le commissaire crut avoir mal entendu. Il réfléchit brièvement au mot : domaine de vente qui ne faisait pas partie de son vocabulaire courant. Le sens en était limpide. De nouveau, il se pencha au-dessus de son assiette.
    — Tu as proposé à ma mère un emploi  ?
    Son amie haussa les épaules.
    — Pas directement. Disons que nous avons envisagé plusieurs solutions…
    Comme chaque fois qu’elle parlait de travail, son visage reflétait une intense concentration.
    — La comtesse pourrait s’adonner à ce qu’elle sait si bien faire – d’après la liste de ses convives au bal masqué.
    — Que sait-elle si bien faire ?
    La princesse leva les yeux de son assiette et dit avec calme :
    — Impressionner. Incarner la maison Tron. Incarner Venise. La tradition.
    — Et à quelles occasions va-t-elle désormais user de ses talents ?
    — Avec nos gros clients ou les banques. Et lors des réceptions officielles au palais Tron.
    — Quel genre de réceptions officielles ?
    — Les banquets pour la présentation de nos nouveaux produits par exemple.
    Produits ! À nouveau ce mot.
    — Tu veux dire des cendriers en verre fumé ? demanda-t-il avec un sourire en coin. Je ne crois pas ma mère sérieusement capable de s’ébattre dans des domaines de vente et de présenter de nouveaux produits .
    Pas plus qu’il ne se croyait capable de s’habituer à des termes pareils. Par réflexe, il tendit la main vers la cuillère pour se servir une nouvelle part de gelée au rhum, mais constata que le plat à dessert ne contenait plus que quelques boudoirs en miettes, nageant dans une chantilly liquéfiée. Il posa la cuillère en soupirant.
    Tout à coup, la lumière du palais Balbi-Valier lui sembla devenue laiteuse, presque trouble, impénétrable comme le brouillard qui planait sur la ville. La crème n’était pas la seule, tout semblait se liquéfier de manière troublante : l’enquête qui refusait obstinément de prendre forme, les projets de la princesse dont il se demandait s’ils étaient vraiment sérieux et même les principes de sa mère, qui paraissait avoir accepté de travailler dans un domaine de vente .
    Il leva le regard, perdu dans les restes de gelée. La princesse avait parlé, mais il n’avait pas compris. Elle répéta en souriant :
    — Alessandro a déjà noté la recette. Massouda lui apportera le plat en forme de poisson demain.
    Enfin une bonne nouvelle !

41
    Vingt-quatre heures plus tard environ, Martha Kietzke, depuis cinq jours exactement Mme le lieutenant von Stechow, se tenait assise, grande, sèche, bien droite, le dos raide, les bras repliés, à

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