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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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la voix.
    — Le dernier gouvernement conservateur du Mexique a souscrit un emprunt à long terme auprès du banquier suisse Jecker. Pour un versement de sept cent cinquante mille dollars mexicains, celui-ci a obtenu une reconnaissance de dette du double.
    Tron crut avoir mal entendu.
    — C’est de l’usure !
    La princesse esquissa un sourire méchant.
    — Pour le banquier et les autres créanciers, ce marché était une aubaine.
    — Jusqu’à la chute du gouvernement ? supposa Tron.
    — En effet. Juárez a dénoncé les dettes. Jecker s’est alors adressé au duc de Morny, le demi-frère de Napoléon III, qui est président du corps législatif, et lui a proposé trente pour cent des bénéfices s’il usait de son influence.
    Les journaux n’avaient pas expliqué l’engagement de la France au Mexique de cette façon et une autre lecture figurerait sans doute dans les livres d’histoire. Mais le commissaire trouva la version de la princesse tout à fait plausible.
    — Voilà pourquoi l’empereur a envoyé des troupes au Mexique ?
    — Parfaitement. Maximilien est la figure de proue de cette entreprise de sauvetage – celui qui doit abattre Juárez et, une fois empereur, veiller au remboursement des dettes.
    — Pour que tu t’y intéresses autant, j’imagine que le prince avait investi dans l’emprunt public ?
    Elle approuva d’un hochement de la tête.
    — Il y a placé à peu près tout ce qu’il possédait. L’affaire semblait si sûre ! Le plus fâcheux reste que ces reconnaissances de dette servent de garantie aux crédits avec lesquels il a acheté les verreries de Murano.
    — Or elles n’ont plus aucune valeur, devina Tron. Si rien ne change…
    — … je vais perdre à la fois le palais et les usines, termina la princesse.
    Puis, tel un comptable qui explique ses calculs, elle poursuivit dans son italien aussi pur et taillé que le cristal de Venise :
    — En revanche, dès que Maximilien aura posé un pied sur le sol mexicain, mes finances seront assainies. Mes parts d’emprunt monteront sans doute en flèche, du moins pendant un moment. Je pourrai donc les revendre, avec une perte minime, et rembourser les crédits.
    La princesse prit une cigarette et, preuve de sa nervosité, déposa l’allumette dans son assiette à dessert.
    Tron se leva, se rendit à la fenêtre et écarta le rideau. Une légère brume provenant de la Salute remontait le Grand Canal. Pour l’instant, elle ne formait qu’un halo encerclant les rayons de lumière qui s’échappaient des fenêtres d’en face. Mais dans quelques heures, supposa-t-il, il ferait un brouillard à couper au couteau. L’espace d’un minuscule instant, il eut la sensation d’avoir appris une bonne nouvelle.
    Il se retourna et demanda :
    — Est-ce la raison pour laquelle tu repousses notre mariage ?
    La princesse avait le regard vide, mais elle répondit trop vite pour mentir.
    — Je n’ai pas envie que tu épouses une femme ruinée, avoua-t-elle sans l’ombre d’une hésitation.
    — Tu crois que cela changerait quelque chose ?
    — Je l’ignore. Je sais que cette crainte paraît stupide et injuste. Seulement, je…
    Elle n’acheva pas la phrase, tira sur sa cigarette sans regarder le commissaire.
    — Tu penses à la comtesse ? À son envie de restaurer le palais Tron avec ton argent ?
    — Oui, peut-être.
    Elle se tut. Lorsqu’elle reprit, elle avait retrouvé sa voix normale, presque froide.
    — Au fait, je suis au courant.
    — Au courant de quoi ? fit semblant de s’étonner Tron.
    Le timbre de la princesse était maintenant glacial.
    — Des négociations de ta mère. Cette nouvelle m’a beaucoup peinée, surtout dans la situation présente.
    — Elle a agi dans mon dos ! s’écria Tron en espérant que son amie lirait la sincérité dans ses yeux. Si cela peut te rassurer, elle s’est retirée de ces négociations hier après-midi. J’ai réussi à la convaincre de l’absurdité et de l’incongruité de son initiative.
    La princesse fixait l’extrémité incandescente de sa cigarette. Elle dit à voix basse :
    — Je ne savais pas que vous aviez de l’eau jusqu’au cou.
    Brusquement, Tron se sentit si vide et fatigué qu’il dut se rasseoir.
    — L’eau entre de tous les côtés, confia-t-il. Par le toit et par les murs. Quand il pleut, la façade sur le rio Tron absorbe les gouttes comme une éponge. Cet hiver, le gel fera de nouveaux dégâts.
    Il constata avec

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