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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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confié cette mission ?
    — Un des invités. Je ne le connais pas. Il portait un masque.
    — Un invité ?
    Le gondolier haussa les épaules.
    — Oui, un invité du bal où je dois vous emmener.
    — Quel bal ?
    — Un bal masqué.
    — Où ? insista Tron.
    — L’inconnu m’a prié de ne pas vous révéler notre destination. Il s’est très montré très généreux, précisa le batelier en levant la main droite et en frottant le pouce contre l’index.
    Il n’en dirait pas plus.
    Ils montèrent dans l’embarcation, descendirent le rio dell’Orto en direction de l’est et prirent à droite. Au bout de cinq minutes, là où le canal della Misericordia se divise en deux, ils firent demi-tour. Le commissaire supposa que le maître chanteur devait s’être caché dans l’ombre pour vérifier qu’il était bien seul et que personne ne le suivait. Ils s’arrêtèrent devant un jardin à l’abandon, délimité de chaque côté par un muret. Au fond, un mélange de musique et de voix sortait d’une entrée faiblement éclairée. Quelques personnes fumaient devant la porte.
    Tron descendit de bateau et, une fois sur le ponton branlant, se retourna pour demander :
    — À quoi puis-je repérer notre homme ?
    Le gondolier sourit.
    — Vous n’allez pas le repérer, mais l’inverse.
    — Comment ?
    — Grâce à cela.
    Il se pencha, sortit des vêtements du plancher de l’embarcation et les tendit au commissaire.
    — Prenez ce déguisement. On viendra vous trouver.
    Il s’agissait d’un domino de drap grossier et d’un loup de couleur sombre, muni d’un morceau de velours aux bords plus clairs. Tron soupira et jeta la cape sur ses épaules avant de pénétrer à l’intérieur. Dans le vestibule, il mit le masque et chercha en vain un miroir où se regarder. Le loup, remarqua-t-il, sentait étonnamment bon – la pâte d’amandes et un parfum dont le nom lui échappait.
    La salle de bal lui fit pitié. Des copeaux recouvraient les dalles sales et mal posées. Des bandes de tissu rougeâtre pendaient négligemment sur les murs peints à la chaux. L’éclairage provenait de lampes à pétrole accrochées aux poutres (alors que Tron ne concevait pas de bal vénitien sans bougie). De toute évidence, ils se trouvaient dans un ancien entrepôt car le plafond, supporté par des bastings noirâtres, semblait très bas, comparé aux dimensions de la pièce.
    Sans être comble, la salle était bien remplie. Le brouhaha recouvrait les notes du petit orchestre de salon. Au centre, deux douzaines de personnes dansaient une valse lente. Les autres convives discutaient, massés contre les murs. Comme presque tous les hommes fumaient le cigare ou la cigarette, d’épais nuages flottaient dans l’air.
    La plupart des invités portaient des bauttas , des masques de carton et de tissu qui laissaient voir la bouche. Les messieurs portaient des hauts-de-chausse, une perruque, une rapière ; les dames, des robes à plis Watteau et des crinolines dans le style du XVIII e  siècle. Au premier coup d’œil, les tenues faisaient presque illusion. Au deuxième, on se rendait compte qu’il s’agissait de costumes de location.
    Tron fit plusieurs fois le tour de la salle, s’arrêtant à maintes reprises. Sans résultat. Personne ne vint lui adresser la parole. Au bout d’un moment, il se fixa dans un coin de la pièce, devant un comptoir en planches grossièrement assemblées, et se demanda s’il devait s’accorder un verre de champagne.
    Il ne remarqua la femme à la perruque blonde que lorsque celle-ci fut tout près de lui, à le dévisager de côté. Elle portait une cape rouge, une robe noire informe dissimulant sa silhouette et – elle était presque la seule – un masque qui lui cachait l’intégralité du visage. Tron fut pris d’un doute lorsque l’inconnue leva le bras droit et qu’il découvrit, entre le gant et l’ourlet de la manche, un poignet assez fort. Dès qu’elle ouvrit la bouche, il comprit.
    — Excusez-moi, je voulais m’assurer que vous étiez bien seul, signore, commença le travesti d’une voix claire et légèrement affectée.
    Sur son masque blanc étaient peints des sourcils noirs, le contour des yeux et une larme stylisée sur la joue droite.
    Le commissaire plissa le front.
    — Vous nous avez déjà fait passer deux fois dans le rio di San Felice.
    L’inconnu baissa le visage.
    — Je craignais que vous ne veniez pas seul.
    — Personne ne m’a suivi,

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