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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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Elle faillit lâcher un cri hystérique, comme signora Zuliani quelques jours auparavant, lorsqu’elle avait découvert une souris morte dans son lit. Par un effort surhumain, elle parvint à le contenir.
    Puis avec un soulagement infini, elle le vit se détourner et se diriger vers les pontons en bois où attendaient les gondoles. Il ne l’avait pas reconnue ! Cette chance inouïe tenait sans doute au manteau et aux chaussures de M. Lévi. Que le ciel lui prête longue vie ! Elle poussa un soupir bref, tremblant. Soudain, elle constata pourtant qu’elle ne l’aurait pas reconnu non plus s’il n’avait pas surgi aussi près d’elle. Car en le voyant s’éloigner, elle se rendit compte qu’il ne boitait plus !
    Il avait désormais atteint le quai. Il discuta avec un gondolier avant de monter à bord. L’embarcation s’éloigna. Quelques instants plus tard, elle se fondit dans l’eau sombre de la lagune à l’horizon jalonné par les lumières de l’île Saint-Georges.
    En faisant demi-tour pour revenir sur la place Saint-Marc, Angelina se sentit tout à coup pâle et fragile, comme une vitre dépolie laissant presque passer le regard. Demain, l’ Archiduc Sigmund serait de retour à Venise. Alors, elle irait parler au commissaire du bord pour apprendre le nom de l’assassin. Ensuite, elle se rendrait à la questure. Cette fois, avec ses nouveaux habits, elle était sûre de réussir.
    1 - Bandelettes de pâte frites et sucrées. ( N.d.T. )

27
    C’était, dans la nuit brune, Sur le clocher jauni, La lune, Comme un point sur un i . Tron faisait les cent pas sur le campo dell’Orto, transi de froid, les mains enfoncées  dans  les  poches  de  sa  redingote,  agacé – comme souvent ces derniers temps – de ne pas retrouver la suite du poème. Il y était question de masque blafard et de faucheux bien gros. Une fois chez lui, il oubliait toujours de vérifier. Au fond, cela n’avait aucune importance. Cette nuit-là, en tout cas, la lune était très belle.
    L’astre presque rond pendait comme un lampion. La façade de l’église se détachait de manière aussi précise que si les grands ciseaux du soir l’avaient découpée dans du papier noir. Quelques heures de vent d’ouest suffisaient parfois, quand de nouvelles nuées ne couvraient pas les toits, à libérer la ville de la pluie et du brouillard, à l’aérer ainsi qu’un vieux placard.
    Tron tourna la tête avec lenteur et regarda pour la énième fois les quelques maisons qui bordaient la place. Rien ne bougeait – ni là ni sur le rio qui formait le quatrième côté du campo . À minuit, comme convenu, il était descendu de la gondole que l’archiduc avait mise à sa disposition. Cela faisait une demi-heure qu’il attendait. Il commençait à se demander s’il n’aurait pas mieux valu refuser cette mission.
    Il ne savait même pas ce qu’elle lui rapporterait, à supposer qu’elle lui ramenât quelque chose. Maximilien n’avait pas évoqué la moindre récompense. S’il ne lui offrait qu’une poignée de main, le commissaire le prierait de venir au bal masqué de sa mère. La présence d’un archiduc en chair et en os conférerait un éclat supplémentaire à cet événement annuel. Un tel cadeau ne remplaçait pas sa promotion au poste de commandant en chef, mais ce serait au moins un geste.
    Il pouvait aussi essayer de négocier le prix des photographies. S’il parvenait à le faire baisser de mille lires, il pourrait garder la différence – un bon salaire pour deux heures de travail. Cela ne lui interdirait pas, d’ailleurs, d’inviter quand même Son Altesse au bal de la comtesse. Il pourrait ensuite s’en vanter auprès de la princesse : alors, je n’ai pas le sens des affaires ?
    Un quart d’heure plus tard, il entendit le grincement léger de l’aviron dans le tolet. Une mince proue apparut dans la lueur de la lune, fendant la surface de l’eau qui ondulait de chaque côté de la coque en vaguelettes scintillantes. Un petit gros sortit de la gondole, s’avança vers Tron, s’arrêta à trois pas de lui et fit une révérence servile.
    — On m’a chargé de venir chercher sur le campo dell’Orto une personne désireuse d’acheter des photographies , dit-il avec un sourire malsain en prononçant ce dernier mot.
    Malgré le sourire, son visage – une moitié éclairée par les rayons de la lune, l’autre moitié dans l’ombre – faisait penser à un masque rigide.
    — Qui vous a

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