Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
et le pigeon. Plus la distance se réduisait, plus le coup portait. Un choc parfait n’atteignait pas l’oiseau à la gorge ou à la tête, mais en pleine poitrine.
    Huit jours auparavant, il avait réussi une attaque impeccable. Le rat des airs avait volé sur quelques mètres (sans utiliser ses ailes), atterri sur le dos et frémi sur le pavé. Une irrésistible tentation de l’achever d’un second coup de pied s’était emparée de lui. Par malchance, deux policiers en uniforme s’étaient approchés à ce moment-là. On ne sait jamais comment réagissent ces Vénitiens.
    Il se remit en marche à pas lents, passa près d’un groupe de chasseurs impériaux qui fumaient devant la basilique et atteignit la Piazzetta. En regardant les gondoles amarrées au môle, pareilles à des taches noires sur une nappe verdâtre, il constata une fois de plus qu’il détestait Venise. Un souffle d’air frais venu de l’est effleura un instant la rive, mais il ne se laissa pas tromper.
    Au printemps, dès que la température se mettrait à remonter, l’abominable odeur de varech et de poisson pourri se répandrait à nouveau sur la ville, si forte qu’elle empêchait parfois de respirer. On prétendait que la marée nettoyait les fossés. Il n’en était évidemment rien. Il suffisait de penser à la puanteur en été pour se convaincre du contraire. Lui était persuadé qu’un jour, on serait obligé de boucher ces cloaques à ciel ouvert. Alors, les ridicules gondoles disparaîtraient enfin. Et le Grand Canal cèderait la place à un large boulevard bien propre, avec un tramway à cheval.
    Il prit à droite, longea le palais royal et, sans but précis, emprunta le bac qui le conduisit de l’autre côté, à Dorsoduro. Derrière Santa Maria della Salute, dont le dôme de mauvais goût lui rappelait une énorme pièce montée, il s’engagea dans une ruelle et déambula dans le labyrinthe qui recouvrait la langue de terre. Il croyait déjà s’être égaré lorsqu’il aperçut de nouveau le Grand Canal et la petite place de l’Académie.
    Là, il gravit le pont en fonte qui ramenait vers Saint-Marc, s’arrêta un instant, posa la main sur le garde-fou et sentit le métal froid sous ses doigts. Ça, c’était du solide. Pas comme ces briques dont le crépi ou le revêtement de marbre tombait en ruine. Du travail d’ingénieur précis, des pièces préfabriquées qu’on pouvait assembler n’importe où, en quelques jours. La fonte avait un caractère militaire, fiable.
    Comme son instinct, se dit-il en descendant les marches qui donnaient accès au campo San Vidal, de l’autre côté du pont. Il avait toujours pu se fier à son instinct. Or celui-ci le prévenait que la petite peste se souviendrait de son visage dès qu’elle aurait surmonté sa peur. Et qu’elle se précipiterait alors à la questure pour fournir au commissaire une description minutieuse. Ce Tron n’était pas un imbécile. Il ne lui faudrait pas un quart d’heure pour faire le rapprochement. Tôt ou tard, il organiserait une confrontation. Pas une confrontation officielle bien entendu. Il débarquerait avec la fillette et cette morveuse le montrerait du doigt en criant : « Oui, commissaire ! C’est lui. » Alors, il serait en mauvaise posture. En très mauvaise posture. Quelle erreur de lui avoir laissé la vie sauve ! Maintenant, il devait la retrouver. Et vite.
    Il continua tout droit pendant quelques minutes, puis tourna vers le campo San Angelo et, au bout d’une centaine de pas, se retrouva devant un pont qui traversait le rio della Verona. Mon Dieu ! Était-il donc vrai que l’assassin revenait toujours sur le lieu de son crime ? Quelques secondes de réflexion suffirent à le rassurer. Il avait pris cette direction parce qu’il était droitier. Au cours de leurs promenades, la plupart des gens suivent l’appel de leur main la plus habile. C’était tout simple. Il s’approcha de la maison à un étage, recouverte de tuiles rondes, qui se dressait à gauche du pont. Dans la vitrine du magasin de masques au rez-de-chaussée, il distingua son visage. Ses traits ordinaires, un peu vulgaires, ne retenaient pas l’attention. S’il avait eu un menton plus prononcé ou un front plus haut, les femmes se seraient peut-être retournées sur son passage. Mais le reflet ne trahissait aucun caractère marquant. Rien dont pût se souvenir un témoin. Dans les circonstances actuelles, ce constat eut sur lui un effet apaisant.
    La

Weitere Kostenlose Bücher