Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
émeraude de couleur presque identique à celle de ses yeux.
    — Une peau de tigre ? s’esclaffa le commissaire.
    — Elle fait partie de l’uniforme.
    — Et il n’avait pas l’air ridicule ?
    La princesse haussa les sourcils.
    — Pas du tout ! La délégation mexicaine fut impressionnée.
    Elle lui offrit l’occasion d’admirer la perfection de son profil en tournant la tête vers le domestique éthiopien apparu à la porte du salon, une cafetière à la main. Le serveur portait un pantalon bouffant, un turban et un cimeterre à la ceinture. Pas étonnant, songea le commissaire, qu’elle ne trouvât rien à redire à un uniforme orné d’une peau de tigre.
    — Pose-la sur la table, Moussada.
    Comment avait-elle dit, Moussada ou Massouda  ? Il trouvait que les serviteurs africains se ressemblaient tous. Qui avait ouvert les rideaux dix minutes auparavant ? Celui-ci ? Non. Sauf erreur, le premier portait un turban vert. Or ce turban-ci était rouge. Sans oublier le valet au turban bleu qui avait apporté le courrier une demi-heure plus tôt. Comment l’avait-elle appelé, celui-là ? Wassouda – ou Woussada  ?
    Tron soupira. Un tel exotisme le troublait tout autant que le luxe indécent du palais Balbi-Valier. Avec sa modeste veste d’appartement, sans épée ni soulier, il avait toujours l’impression de détonner au milieu de ce salon, décoré dans le plus pur style du XVIII e  siècle. Chaque meuble formait à lui seul une pièce précieuse, rapportée de Paris. Les murs disparaissaient sous les originaux de Guardi, Tiepolo et Piazzetta. S’il les avait vus, Alphonse de Sivry – un ami, qui tenait un magasin d’antiquités sur la place Saint-Marc – s’en serait léché les babines. Toutefois, il était peu probable que la princesse fût jamais obligée de vendre ses tableaux. Ses affaires – le verre, les céréales et les mines – étaient florissantes.
    — Je n’ai toujours pas compris ce que tu faisais à la réception des délégués mexicains, remarqua Tron quand le domestique eut quitté le salon.
    — Maximilien a d’urgence besoin de capitaux étrangers, répondit-elle.
    Comme chaque fois qu’elle parlait d’argent, sa voix prit une tonalité froide et distante.
    — Un représentant de l’Union bancaire de Vienne assistait d’ailleurs à la cérémonie. Il n’a pas apprécié la peau de tigre. Les Mexicains, eux, ont adoré. Le tigre est le roi de la jungle, l’animal qui domine tous les autres.
    — N’importe quel âne peut se vêtir d’une peau de tigre ! objecta Tron.
    — Certes, mais il faut en avoir l’idée. Nous, par exemple, nous expédions des bateaux complets de verres en Amérique. Nos produits ne sont pas meilleurs que ceux de Baltimore ou de Boston. Mais nous écrivons en grand sur les boîtes : V ENEZIA . Nous ne vendons pas que le contenu, mais aussi l’emballage.
    — Et cela vaut pour l’uniforme de l’archiduc ?
    — Parfaitement. Il sait ce que les Mexicains attendent de lui et leur donne satisfaction.
    — En se couvrant les épaules d’une peau de tigre ?
    — À l’issue de son discours, ils n’avaient qu’elle à la bouche. C’était sans doute le but recherché. De cette manière, il a échappé à la désagréable obligation d’exposer son programme politique, par exemple d’expliquer comment il comptait trouver l’argent pour lever sa propre armée ou de prendre position sur les biens du clergé confisqués par Benito Juárez. L’archiduc est un libéral. Or il sert de figure de proue aux conservateurs. Il est bien obligé de louvoyer.
    — As-tu eu l’occasion de lui parler ?
    — Je lui ai en effet été présentée. Il s’est aussitôt enquis de toi. L’impératrice a manifestement chanté tes louanges. Il m’a demandé si tu étais toujours en fonction.
    Tron fronça les sourcils.
    — Y a-t-il une raison particulière à cette question ?
    — J’imagine qu’il voulait donner une petite note personnelle à l’entretien.
    — Est-il au courant de nos fiançailles ?
    — Il sait juste que nous nous connaissons.
    — En voilà au moins un qui n’a pas pu te demander la date de notre mariage.
    — Pourquoi ? Ta mère a de nouveau fait une remarque ?
    — Et comment !
    — Que lui as-tu répondu ?
    — Le discours habituel. Que tu ne pourras déterminer une date de mariage qu’après ton voyage d’affaires à Vienne et que la nouvelle collection de verres destinée à la France

Weitere Kostenlose Bücher