Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
confronter mortellement ce qu’on avait de meilleur en soi : le corps et l’âme dans un pays gelé qui ne vous était rien ! Donner son énergie et répandre son sang pour sa chevance 251 , sa famille, son pays et son roi : certes. Mais ici, dans ces montagnes inexorablement hostiles ? Comprendre… Comprendre, c’était ajouter à son désarroi une maussaderie définitive. Rien n’était clair. Qui avait raison ? Pèdre et ses suppôts d’Anglais ? Henri et le roi de France ? Toutes les ingéniosités et les hontes de la malfaisance s’incarnaient en eux.
    Une sagette se fracassa sur le bassinet que Tristan ne pouvait clore. Quelque chose encore le frappa sur la nuque. Une masse ou un fléau. Dans une rumeur d’enfer que traversaient des hurlements désespérés, il entendit confusément un double cri : «  Victoire ! Victoire ! » et songea : « Audrehem. » Ses oreilles bourdonnaient. Le fer qui englobait sa tête ne fut plus qu’une sorte d’entonnoir où confluaient tous les bruits d’une bataille à son terme.
    « Je vais vivre ! Je veux vivre ! »
    La colline jonchée de morts de toute sorte se mit à sauter à la rencontre de son visage.
    *
    –  J’ai craint de mourir.
    –  Ce n’est pas pour cette fois, messire, dit Paindorge agenouillé. Un coup de bec de corbin 252 qui n’a guère enfoncé votre bassinet. J’y remédierai. Je l’avais bien ajusté à votre colletin. Tant mieux !
    –  Aide-moi à me lever.
    Sitôt debout, Tristan ne put se retenir de frissonner. Honte et dégoût. Une grande jonchée d’hommes et de chevaux couvrait la colline. Certains corps remuaient faiblement. Que ceux-ci fussent d’hommes ou de bêtes, les coustiliers castillans leur donnaient le coup de grâce et certains riaient d’inspirer de l’horreur et de la répulsion à ces hommes, ces chevaux qui exhalaient leur dernier souffle. Ils jouissaient d’occire aussi aisément des êtres que, vivants, ils n’eussent osé affronter. Trente détrousseurs dépouillaient les victimes.
    –  Un cimetière sans terre au-dessus, dit Paindorge.
    –  Peut-être, dès ce jourd’hui, le cimetière des espérances d’Henri. Sache-le : les Goddons ne nous pardonneront pas ce grand treu. Le fiel de la revanche envahira leur bouche, leur cœur. Nous allons tous souffrir. Nous, dans notre corps et notre conscience ; Henri et ses affidés petits et grands dans leur prétendu honneur et leur foi répugnante. Nous étions ce jour d’hui à six ou sept contre un. On ne peut affirmer que ce fut une bataille. Le prince de Galles écumera de malerage. Ses fureurs sont terribles. Je garde souvenance des champs de Nouaille, de Maupertuis et de Poitiers. N’oublie jamais : les Anglais sont les meilleurs !
    Tristan se détourna vers quelque vingt prisonniers mal en point que les Castillans ne cessaient d’invectiver : «  Hijos de putas ! Puercos d’inglès ! Pedro es una mierda ! » Un commandement troua ces invectives qui indisposaient jusqu’aux Aragonais.
    –  Lospresos… les prisonniers en avant !
    La voix de Tello, hargneuse. César lui-même, en son temps, n’eût pas employé ce ton dominateur.
    –  Il va les montrer à son frère.
    –  Et à Guesclin 253 . Vois : il n’oublie pas de faire pousser devant lui, comme des captifs non négligeables, les vaches, bœufs, moutons et porcs.
    Paindorge eut un lourd mouvement d’épaulières :
    –  Je crains que même privés de pitance, les Goddons ne nous taillent en pièces… comme à chaque fois que nous les titillons. Êtes-vous en état de chevaucher ?
    –  Quelques rumeurs dans ma tête ne sauraient m’en empêcher. Comment va Malaquin ?
    –  Il tiendra bon. Il est navré petitement à la sole. J’ai ôté le caillou qui le gênait. Je le soignerai à Zaldiarân.
    –  Je crains, Robert, que la forteresse ne soit vide, ce qui serait une erreur. Là-haut, avec le bétail pris aux Goddons, nous pourrions tenir plusieurs semaines en sachant nous restreindre. Dans la plaine, nous allons nous trouver à la merci de quinze ou vingt mille hommes décidés à nous ôter le goût du pain : à la fureur des Goddons résolus à venger les Felton et leurs fourrageurs, s’ajoutera celle de Pèdre et de ses almogavares !
    Tristan porta sa dextre à l’arrière de son bassinet. Son index trouva l’endroit embouti par l’acier qui l’avait renversé.
    –  Tu as raison, Robert. C’était bien un marteau

Weitere Kostenlose Bücher