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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’armes.
    –  Je n’ai aucun mérite. Le voilà.
    C’était un bec de faucon. La pointe se recourbait comme la mandibule supérieure d’un oiseau de proie. Le manche, long de plus de deux pieds, était en bois de sorbier. Une douille inférieure formait la prise d’acier de la main et une autre, supérieure, portait le marteau façonné à pans coupés. Deux saillies en demi-sphères figuraient les yeux de l’oiseau dont le bec crochu ressemblait davantage à celui d’un aigle que d’un faucon. La panne était terminée par une calotte, comme le dessus du marteau, et cette calotte supérieure s’ornait d’un petit bouton. C’était, maniée à deux mains, une arme aussi homicide qu’une masse ou une plommée. Tristan passait un doigt sur la nèfe 254 ébréchée quand Paindorge s’exclama :
    –  Oh ! Messire… Voyez les initiales sur la douille d’en bas.
    Deux lettres avaient été gravées, en onciale, sur l’acier noir à force d’avoir été empoigné : NB.
    –  Oh ! Oh ! Voilà, me semble-t-il, une double réponse à une question que je me suis posée : nota bene , autrement dit ; remarquez bien et Naudon de Bagerant.
    –  Hein ? fit Paindorge, troublé. Croyez-vous qu’il était avec eux ?
    –  J’en jurerais.
    –  Alors, messire, il est mort ou prisonnier. Il nous faut nous en assurer.
    Tristan retint son écuyer par sa cubitière :
    –  Mort, lui ? J’en serais ébaubi. Il a disparu sur cette pente comme il a disparu sur celle de Brignais au plus fort de la bataille… en bon fils de Bélial qu’il est !… Il aurait pu m’occire et s’en est dispensé.
    –  Pourquoi ?
    –  Parce qu’il éprouve pour moi une sorte d’estime. Tout bonnement. Il semble qu’il y ait toujours, dans le cœur noir des méchantes gens, des replis lumineux aussi minces que des rayères 255 dans les murailles des châtelets les plus lugubres. Ces brillances ne durent point. J’en ai profité ce jour d’hui.
    Tristan devança son écuyer jusqu’au champ de bataille d’où s’éloignaient les détrousseurs et les victimaires. Une fois encore, il regarda les dépouilles d’hommes sanglants, quelquefois mutilés, puis les corps figés des chevaux épars. C’était, se dit-il, singulièrement beau, ces morts et ces bêtes occises. Ils avaient été, chacun à leur façon, héroïques. Et l’héroïsme était bien la seule vertu qui subsistât dans ces têtes, ces cœurs immobiles à jamais. Déjà, des corbeaux et des freux essorés des ronciers et des forêts voisines, s’abattaient par grappes noires, bruyantes, irrespectueuses, sur ces preux aux sommeils peut-être délicieux.
    –  Les oiseaux ne savent pas… dit Paindorge.
    –  Et les hommes, Robert ? Les hommes savent-ils ?
    *
    Le roi Henri avait quitté les hauteurs de Zaldiarân pour repasser l’Èbre et gagner Nâjera, première cité de Castille que l’on rencontrait après Logrono sur le chemin de Burgos. À ceux qui demandaient pourquoi, les ricos hombres répondaient qu’il voulait établir son logement sur les lieux mêmes de sa défaite, sept ans plus tôt, afin de conjurer la male chance (481) . Or, l’important, c’était plutôt de vaincre Pèdre et les Goddons associés à sa destinée.
    Le soir de la grande victoire de don Tello sur les fourrageurs anglais, on amena les prisonniers d’Ariniz devant le roi et Guesclin, assis à la même table sous le pavillon royal.
    –  Ah ! Mes compadres , confia l’usurpateur à ses fidèles, que voilà, voyez-vous, une bonne journée.
    Il était heureux, joyeux. Il s’enquit, auprès des Anglais las et pantelants, de l’état de l’armée du prince d’Aquitaine. Ils avouèrent qu’ils n’avaient pas mangé à leur faim depuis leur entrée en Navarre, après les tourments de Roncesvalles.
    –  Vous mangerez ! affirma Henri.
    Sa magnanimité suait l’hypocrisie. Les prisonniers, d’ailleurs, y furent insensibles. Après les affres d’une bataille héroïque, la faim leur faisait moins défaut que le repos, fut-il éternel. Tous saignaient d’une main, d’un bras, d’une jambe. La fierté plus qu’un reste de vigueur les maintenait debout. Don Tello les examinait d’un œil sombre – celui qu’il devait avoir aux courses de taureaux quand la bête meurtrie n’en pouvait mais.
    –  Beau frère, lui dit le roi, vous avez grandement bien exploité. Je vous en sais bon gré et vous guerdonnerai temprement 256 , et sachez bien que tous

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