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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hommes s’adressant des éloges outrés. Celui qui les avait proférés n’était autre que frère Béranger qui devait trembler dans son froc à l’idée de se trouver bientôt mêlé à une bataille acharnée. Tristan ne se détourna pas pour voir à qui cette confidence était adressée. Ce pouvait être Audrehem, Jean de Neuville ou le Bègue de Villaines. Ou d’autres. Guesclin ayant recouvré son grand souffle indigné reprenait, toujours marchant, sa senestre serrée sur la prise de son épée :
    –  Faisons de bons fossés devant notre logement et que tout le charroi y soit mené devant nous. Que je sois convaincu de trahison si le prince ne s’en retourne en fuyant. Quand nous les verrons tous défaits, nous leur courrons sus à cheval : il n’en demeurera aucun qui ne soit attrapé. J’ai Dieu en garant qu’ils sont tous affamés, je le sais de vrai. S’ils nous courent sus comme des gens affolés, ils ne peuvent plus durer. Par rage de famine qui les travaille tant, ils voudraient livrer bataille tôt et incontinent, et qui voudrait attendre tant seulement trois jours les verrait tous fuir sans délai, comme le cerf fait devant les chiens.
    Tristan approuva ce discours. La seule façon de vaincre les Anglais consistait à les attendre de pied ferme derrière des chariots et des levées de terre. C’était, en somme, adopter les principes qui leur avaient fait obtenir des victoires incontestables. Or, cette manière d’envisager l’affrontement ne reçut aucun agrément des chevaliers de Castille. Le comte de Dénia se fit leur interprète. Bras croisés, sourcilleux et sûr de lui, il exprima son courroux d’une voix sans doute aussi coupante que son épée :
    –  Or, je sais, Guesclin, qu’on vous tient pour hardi ; mais c’est pour rien car vous avez peur…
    –  Messire, gronda le Breton en dégageant un tiers de son épée.
    –  Allons, allons, Bertrand, dit Audrehem en repoussant l’arme dans son fourreau. Laissez-le parler.
    –  Vous avez peur, insista Dénia, je le vois clairement, ou vous aimez bien peu le profit du roi. Avons-nous eu l’étrenne dont les autres sont durement ébahis ? Sire Bertrand, vous n’êtes dans la compagnie du roi que douze cents chevaliers et écuyers de France. Vous croyez plus valoir que toute l’armée du roi, qui a plus de gens que le prince de Galles. Je veux que vous sachiez que, s’il y a bataille, les Espagnols et les Aragonais vaudront bien les Français. Et il semblerait à la Chevalerie d’Espagne, si vous maintenez plus longtemps ces paroles, que vous avez la colique. Me croira qui voudra, j’en dirai mon avis : livrons bataille demain !
    Tristan regarda les Espagnols : assurément, ils approuvaient Dénia. Ils le révéraient. Sa victoire sans gloire sur une cohorte de fourrageurs, en même temps qu’elle avait excité son orgueil, lui avait valu cette admiration dont il se délectait sans retenue. Guesclin, lui, avait subi sans trop broncher les invectives destinées à ternir, dans l’esprit du roi, les mérites de la Chevalerie de France, prouvant ainsi peut-être le peu d’estime qu’il lui témoignait. Sa fierté de huron n’était point écornée. Et si Audrehem et les autres ne se regimbaient point, eh bien, tant pis pour eux.
    –  Comte de Dénia, dit le Breton d’une voix péniblement contenue, je veux bien que vous sachiez que, s’il y a bataille contre le prince, il sera ouï autant et plus de nouvelles des Français que de vous et des Espagnols. Par mon serment, si nous combattons demain, je vous le dis : nous serons déconfits. Je serai mort ou pris ; grand mal en adviendra au roi et à ses gens. Mais pour ce que vous en avez parlé ainsi et que vous m’avez fait vilainement reproche, foi que je dois à Dieu ! Demain, nous livrerons bataille et je la mènerai à mon commandement. Là pourra-t-on voir ma bonne volonté, et si je suis un traître ou un couard !
    Henri, le front bas, malheureux de se montrer résigné, s’approcha de Guesclin et lui toucha l’épaule.
    –  Je ferai, lui dit-il, à votre volonté.
    Dans l’assistance, Tristan ne vit qu’un seul sourire : celui de Couzic. Il y avait longtemps qu’il n’avait point remarqué ce sicaire. Où était-il passé ?
    –  Je ferai à votre volonté, répéta le roi tout en lançant à Dénia un regard désespéré.
    –  Il n’en peut-être autrement, fit Guesclin. Puisque j’en ai juré, je tiendrai mon serment. Si vous

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