Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
pitié ; respirer à perdre haleine pendant qu’il en était encore temps, obtenir les bienfaits de Dieu, sa miséricorde et même son approbation pour quelque acte qu’on dût com mettre. Tristan eut envie de cracher. L’odeur des hommes et des chevaux lui portait au cœur. Ses pensées le ramenaient constamment, par l’impression de ces relents et des violences passées, à cette tuerie au centre de laquelle il se sentirait seul et malheureux. Tout se bouchait autour de lui : ses compagnons l’enfermaient, les montagnes ensuite et devant, la seule issue possible était close par des milliers d’hommes d’armes adverses, leurs chevaux et leur courage. Il se sentait reclus dans une armée où il eût dû se sentir à l’aise. Les beaux jours à venir dans une France retrouvée, dans une famille accueillante, dans une quiétude et un réconfort sans limite se fermaient eux aussi à son imagination. Pourrait-il les savourer ? Pourrait-il une  fois encore sentir contre lui Luciane nue et consentan te ? Ardente et hardie ? Fièvre de vie. Fièvre d’amour. Son sang s’y brûlerait-il encore ?
    –  Messire, dit Paindorge, combien vous semblent-ils ? Une multitude !
    –  Un essaim, tous ses dards prêts à nous trespercer.
    Ils avançaient en bon arroi, bannières déployées. Au centre, face à Guesclin, on voyait ventiler le gonfanon d’Angleterre et de toutes parts les pennons des alliés du prince de Galles.
    –  La bannière, à senestre, est celle de Lancastre, puis celle de Chandos… et les trois veaux de Calveley dont le grand heaume domine toutes les épaules !
    –  Oui, Robert… Dommage que l’aïeul de Chandos ait franchi la Manche au temps du Conquérant ! Il serait auprès de nous 292 .
    –  Il va veiller sur Lancastre comme il a veillé sur le prince de Galles à Poitiers (492) . Tous ces hommes sont aroiés (493) mieux que nous.
    Tristan se moucha dans son gantelet. Il avait froid et chaud en même temps. Le soleil paraissait ne briller qu’à son intention, – comme pour une ultime fois. Jamais il n’avait senti la vie le pénétrer avec tant de véhémence ; jamais il n’avait eu tant d’émoi à se savoir vivant, chargé de remembrances et désireux d’exister. Devant lui, Henri, sur sa mule noire, forte et roide et préférée à un coursier à cause des difficultés des chemins, Henri allait de chevalier à chevalier, de prince à prince, feignant de les réconforter pour obtenir leur réconfort. On eût dit un chien de troupeau peu avant l’affenage.
      L’ost de l’usurpateur alentit son avance. En face, on s’arrêta. Tristan, sourcils froncés afin de mieux distinguer l’adversaire, crut apercevoir Calveley bissé sur les étriers de son gros roncin. Qui cherchait-il parmi ceux d’en face  ? Il avait ramené d’Espagne, à son suzerain légitime, quatre mille lances et l’on pouvait prédire que ces hommes endurcis, connaisseurs des Espagnols, de leur armement et de leurs coutumes guerrières, seraient les premiers à ouvrir le combat.
    –  Ils n’ont plus l’estomac dans les talons, dit Paindorge.
    –  Ils ont la malefaim de nous anéantir.
    Tristan voyait, à la droite du corps commandé par Calveley, les Gascons d’Armagnac et du seigneur d’Albret. Point question de se méprendre à leur sujet : ils hurlaient leur cri de guerre :
    –  Cadedis ! Cadedis !
    Ils seraient opposés à don Tello et ses guerriers. À gauche, face au marquis de Villena, le captal de Buch assisté du comte de Foix – d’or à trois pals de gueules – aurait à cœur de redimer son échec de Cocherel, contre Guesclin. Derrière, la quatrième bataille se composait d’Anglais, lis et léopards, de Castillans – de gueules à un château ayant trois tours d’or -, et de Navarrais – de gueules aux chaînes d’or posées en croix sautoir et orle -. Qui tenait dans son poing cette large estranière ? Sans doute le sénéchal de Charles le Mauvais : Martin Enriquez 293 . Peut-être y avait-il aussi, quelque part, la bannière du roi de Naples, fils de don Jayme, dernier roi de Majorque dépossédé par Pierre IV d’Aragon (494) .
    –  Combien sont-ils, messire ? demanda Paindorge.
    –  Dix mille lances et autant d’archerie (495) .
    Soudain, alors que le jour devenait plus clair, une rumeur courut dans l’armée de l’usurpateur. Elle s’amplifia et devint terrible. Des jurons l’éclaboussèrent.
    –  Hé, que se passe-t-il ? cria

Weitere Kostenlose Bücher