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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tristan aux capitaines.
    Audrehem, d’une vigoureuse ébrillade, se présenta de face, sur son cheval courroucé.
    –  On vient d’apprendre que lors du désarroi de notre marche de nuit, deux cents géniteurs et la bannière de Saint-Etienne-du-Port se sont enfuis pour aller servir don Pèdre (496) .
    –  Cela commence bien, grommela Paindorge. Que font-ils maintenant ?
    –  Ils se concertent… ou se congratulent (497) .
    On s’arrêta. Certains quittèrent leur selle et confièrent leur cheval à un écuyer, un palefrenier. S’agissait-il de ricos hombres  ? Nul ne le pouvait savoir dans l’espèce de monstrueuse indécision où s’aggloméraient les hommes et les bêtes. Et la mésentente régnait aussi  bien parmi les bêtes que parmi les hommes. Qu’allait-on faire ? Le jour, maintenant, se paraît d’or et de cristal : la journée serait lumineuse. Il semblait, fallacieusement, que le pays se trouvait sous l’empire d’une   paix inaltérable et que jamais l’éclat des armes ne contrarierait celui du soleil. Parfois, la frainte 294 des guerriers et les ébrouements des chevaux cessaient. On entendait une autre rumeur qui peu à peu se déployait et prenait une résonance tragique : celle des Goddons  en marche. Tello avait beau hurler : «  No pasarân 295  » le bruit confus de cette marée d’hommes d’armes reprenait dès qu’il refermait sa grande goule accoutumée à hurler des «  Ole ! » aux arènes, mais incapable de proférer un commandement. Son cheval disparaissait presque tout entier sous ses bardes sablonnées (498) avec soin, et bien qu’il ne fut qu’à moitié apparent sous ses orbières de fer, son œil luisait du même feu clair et hautain que son maître. Une belle bête, certes. Le grand cheval dans l’acception du terme : solide, endurant, véloce au besoin. Il secouait cependant un peu trop sa buade 296 comme s’il souffrait des dents.
    –  Oyez, Francés  !… Je me permets de vous ramentever que nous allons être à la fête !
    –  Un malebouche que cet homme ! Nous verrons sous peu ce qu’il vaut.
    –  Un falourdeur 297 , messire. On va vivre un second Crécy.
    –  Certes non, Robert… Tout d’abord, à Crécy, il y eut un orage. Nous avons la neige, la boue et le froid. Ensuite, à Crécy, les Anglais étaient sur une butte. Nous les allons affronter sur du plat. Ils nous sont inférieurs en nombre… comme à Crécy, et c’est ainsi qu’ils sont les meilleurs 298 .
    Sur le grand champ constellé de rosée, les oiseaux sautillaient. On y voyait glisser les ombres des nuages en attendant d’y voir paraître le miroitant jusant des armures anglaises et castillanes. Tristan savait que rien n’arrêterait cet ouragan dévastateur, pas même les formules préambulaires par lesquelles on se préviendrait de son bon droit et de son intransigeance avant de se heurter à grand plaisir d’occire. L’affreux serait soutenu par l’inévitable.
    Il faudrait attendre. Comme prévu. Ce serait exaspérant. Comme toujours. Et c’était peut-être une faute que d’attendre… Encore que cela pouvait se discuter. On n’avait pas attendu à Crécy. Ni à Poitiers. Deux défaites dues à l’impatience. Alors, n’était-ce pas mieux ainsi ?
    Le regard de Tristan s’arrêta sur Gomez Carrillo, le camarero-mayor du roi Henri. Assis sur son genet à la selle orfévrée, il courbait son échine de fer comme s’il y sentait le fardeau de l’opprobre ou mieux encore : comme si un billot l’attirait invinciblement par la tête et les épaules. Tout proche, Sancho-Sanchez Moscoso grand commandeur de Saint-Jacques, les mains jointes par les paumes, semblait prier. Craignait-il d’être capturé, jugé, frappé d’un fer de hache et suppliait-il saint Jacques de lui venir en aide ? Traître, lui aussi, comme Garci Jufre Tenorio, le fils de l’amiral don Alonso Jufre, mis à mort quelques années plus tôt et qui déjà  tirait son épée du fourreau. Si Pèdre les prenait, il serait intraitable.
    Attendre. La conjoncture serait-elle favorable à Henri ? Il faisait beau. «  Je veux demain matin voir le soleil éclore. Je veux voir le ciel, les arbres ! Je veux me  sentir solide et capable d’amour ! » Luciane. Comme elle était loin ! Son souvenir n’enveloppait plus son époux d’une tiédeur bienfaisante. « J’ai autre chose à penser. À moi : Tristan. Égoïstement ! » Il ne pouvait recomposer le visage de sa

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