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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cette lame !
    L’Anglais avait tiré son épée du fourreau. Il la rengaina violemment afin qu’on sût, à l’entour, qu’il était disposé à se battre pour défendre son droit de prise, âprement, sans considération d’aucune sorte.
    Tristan vit le visage du Breton changer. Ce routier était incapable d’entrer dans l’état d’esprit d’un prud’homme. Tout, chez lui, se traduisait par une perpétuelle fureur qui semblait le placer au-dessus des autres et faire fi des coutumes les plus tenaces et les plus respectées. Voyant Daniel et Turquant mettre pied à terre, et après les avoir considérés d’un regard chargé d’aversion dont ils furent incommodés, il se frotta les mains :
    –  Vous êtes condamnés quelle que soit l’échéance.
    Le goût immodéré du sang et des supplices devait emplir sa bouche désormais serrée sur un grognement de plaisir.
    Tristan se tourna vers les Juifs. Avaient-ils peur ? En ce cas, ils savaient se dominer. Matthieu de Gournay avait dû les rassurer : s’ils aidaient les Compagnies à prendre Séville sans coup férir, ils sauveraient leur tête. C’étaient des hommes vigoureux, coiffés d’une aumusse de cuir dont les pans frottaient leurs épaules. L’un vêtu de noir, l’autre de gris, ils étaient ceints de cuir cordouan et armés d’un poignard à manche de corne. Grand nez et des yeux de furet ; une barbe brune, crépue, emmitouflait leur menton.
    –  Je les ai découverts au fond d’une vallée. Ils voulaient gagner le Portugal. Sans atermoyer, ils m’ont dit être Juifs et d’excellent lignage. Pèdre les avait bannis avant de quitter Séville.
    –  Taratata ! fit Guesclin.
    Le Trastamare s’approcha. De jour en jour sa conduite devenait éminemment souveraine : démarche lente, gestes pesants, calculés ; froncements des sourcils même, – comme présentement – lors d’une journée sans soleil. Sa gravité, voire son in quiétude quelque temps avant son sacre, était devenue une solennité qui se voulait encline à la bienveillance. Quand il le fallait, il se faufilait avec agilité au milieu des hommes, se dépouillait de ses façons accessoires pour ne retenir que l’indispensable. Ainsi, comme maintenant dans ses mailles et ses fers d’almogavare, prenait-il l’attitude d’un saint Georges ou d’un saint Michel en présence de deux dragons à vrai dire inoffensifs.
    –  Je suis le roi. Qu’avez-vous à nous dire ?
    Était-ce pluriel de majesté ? Henri incluait-il tous les témoins de cette scène dans ses propos et son regard circulaire ou bien s’assurait-il qu’il apparaissait bien pour un roi à ces deux hommes qui ne l’avaient jamais vu ?
    Turquant fit une génuflexion, Daniel une révérence et ce fût lui qui répondit :
    –  Monseigneur, nous sommes Juifs de bonne linaje. Pèdre nous a bannis par grande tricherie. Veuillez nous sauver, par Dieu !… Nous vous sommes garants que Séville vous sera rendue et octroyée. Nous vous la livrerons avant qu’il ne soit nuit !
    –  Comment ? dit Henri, les bras croisés, les jambes écartées comme pour attester de sa solidité de roi et de juge suprême. Si vous pouvez accomplir cette promesse, je vous ferai honneur et grande seigneurie.
    Il offrait le pardon et la munificence à des hommes qui, lors du règne de Pèdre, n’avaient manqué ni de richesse ni de considération et qui, sans doute, disposaient de quelque trésor caché en Portugal.
    –  Sire, dit Turquant, je vous dirai comment vous aurez la cité. Il y a moult Juifs dedans. Ils ont leur ville à eux, fermée bien fortement. Ils ont aussi une porte pour eux et une issue qui leur appartient en propre. J’irai à eux faire des pourparlers. Il y en a assez qui m’accepteront pour garant et qui rendront la ville à seule fin qu’ils puissent y demeurer saufs et paisibles.
    –  Ah ! s’écria Guesclin. Saufs et paisibles  !… Tout est dit !… Pourquoi sommes-nous présents, monseigneur et messires ? Pour mettre un terme à nos appertises 97  ? Pour laisser en paix les compères des infidèles des royaumes de Grenade et de Murcie ? N’avons-nous pas le devoir de replanter partout, en des lieux où ces malfaisants l’ont renversée, la croix de Jésus, et de venger sa mort par l’occision de tous ses ennemis ?
    –  Ses ennemis sont morts depuis belle heurette, dit de loin Bagerant sur un ton amusé.
    –  Les ennemis du Christ sont immortels !
    Il y eut des rires.

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