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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’extase floue qu’ils s’étaient dispensée. Ils demeuraient unis, le souffle bref, le cœur battant gonflé de contentement, engourdis dans la grâce voluptueuse et sans nom qui les avait enveloppés comme un voile. Francisca semblait dormir. Son espérance assouvie se révélait par quelques battements de cils. Le Paradis n’existait plus ; son enchantement et ses sortilèges se dissolvaient dans l’ombre de la chambre livrée aux dernières lueurs du crépuscule. Et pourtant, ils l’avaient aperçu. Ils en avaient éprouvé les délices dans un moment d’éternité.
    –  Francisca…
    –  Oui ?
    –  Tu danses mieux ainsi que dans tes atours.
    –  Tu danses mieux que dans ton armadura.
    Tristan sourit tandis qu’elle l’examinait de bas en haut, cherchant peut-être sur son corps les indices d’un désir de récidive.
    –  Je voudrais vivre nu avec toi pour compagne.
    Les souples vagues qui les avaient unis, la bonace qui les avait désaccordés laissaient Tristan sur sa faim. Il regardait, ravi, le joli cou tendu vers lui, le menton et les joues qui avaient rosi sous la carde d’une barbe d’un jour. Il dit avec un enjouement sincère :
    –  Tu n’es pas une danseuse.
    –  Que suis-je donc ? dit-elle, comme outragée.
    –  Une femme belle, avenante, qui sait danser. Tu danserais dans un ruisseau qu’on oublierait celui-ci. Tu danserais sur un nuage qu’on te prendrait pour un ange… Tu danserais sur un fumier qu’on y verrait pousser des fleurs.
    Il exagérait à peine. Il savait qu’il devait lui tenir ce langage-là pour qu’il pût maintenant ou plus tard renouveler leurs embrassements. La nuit précédente, il l’avait imaginée nue, chargée de bracelets et de colliers sonores, dansant pour lui seul ; désirable pour lui ; pour d’autres impénétrable. Allons, un seul bonheur ne lui suffisait pas. Il fallait que celui qu’il venait d’éprouver fût la promesse, l’avant-goût d’autres félicités. Francisca l’observait sans sourire, rose maintenant de son émoi et non des frottements d’une barbe. Elle dit d’une voix bien pesée, solennelle :
    –  Je voudrais te garder… que tu restes à Séville.
    Elle l’y épuiserait, il en était certain. Elle ne s’était pas simplement, sincèrement donnée à lui : elle l’avait captivé. Bonheur sans mesure que de le sentir prisonnier de sa chair et généreux dans sa volonté de la satisfaire.
    –  Je t’attendais, dit-elle. Tu es la fleur de mes impatiences. L’œillet…
    –  Que tu mets à ta boutonnière, acheva-t-il cependant que les images précises de leurs derniers instants de liesse se présentaient à son esprit.
    –  Combien ? demanda-t-il.
    –  Combien quoi ou de quoi ?
    N’osant lui dire : « Combien d’amants ? », il découvrit une autre formule :
    –  Combien d’amours avant le mien ?
    –  Je n’ai qu’un seul amant : le soleil de Séville m’attend là, le matin.
    Elle désigna la fenêtre.
    –  Il m’atteint là.
    Elle posa sa dextre sur ses armes de chair. «  De sable  », songea-t-il, «  à une vergette de gueules. » Elle riait, les yeux mi-clos, mais le regard net, avide.
    Il se leva et prit dans son pourpoint le volet de couvre-chef plié sur une odeur désormais légère, comme exsangue.
    –  Tiens, je te le rends avec regret… Est-ce ainsi que tu dis aux hommes qu’ils te plaisent ?
    Elle gronda mais parvint à dominer son courroux.
    –  Je ne l’ai jamais fait jusqu’à hier au soir… Tu me plaisais tant…
    Elle se mit à frotter l’intérieur de ses cuisses, flaira le mol tissu et après un coup de dent au milieu d’un des côtés, le sépara en deux parts quasiment égales.
    –  Tiens, prends ça… Garde-le… C’est plein de nos senteurs liées en une seule… Quand tu penseras à ta Francisca, tu le porteras à ton nez, à tes lèvres… Qui sait même si tu…
    L’audace de son propos l’effraya. Elle se leva d’un coup de reins, saisit sa robe et s’en protégea comme si elle craignait un viol. Ébaubi, incapable de dire un mot, il la regarda se vêtir, se coiffer, se parlant à soi-même, tapant du pied, réprouvant peut-être de s’être donnée si effrontément, rejetant d’un signe devant la Croix les subtilités auxquelles elle s’était prêtée et qui avaient agrémenté si voluptueusement la venue des flux et reflux qui l’avaient pâmée.
    –  Que te prend-il ? demanda-t-il enfin.
    –  Rien…

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