Les fils de Bélial
avant un adios joyeux. Elle ne voulait plus parler. Elle se touchait et l’invitait à la toucher de la main ou de la bouche. Elle soupirait à grands traits, subjuguée par le regard qui cherchait dans son blason la brèche qu’elle lui montra de ses deux doigts en V, écrin dont le joyau rose méritait un hommage liche.
Il se coucha près d’elle, sur le flanc, l’épousant de tous ses membres, de toute sa peau jusqu’à ce que leurs tiédeurs se confondissent. Il se sentait comme malade de son odeur, malade de l’envie de s’en faire amourer alors qu’il n’avait éprouvé pour elle qu’une appétence forcenée. Il devinait chez Francisca un désir différent de ceux qu’elle avait connus, pur de toute image précise, de toute sensation préconçue, et d’autant plus palpitant que son imagination n’avait pas les largesses de la sienne. Jamais sans doute, hors de la danse, elle n’avait ressenti chez un homme une admiration aussi prenante que celle dont elle était l’objet. Elle apprenait qu’elle pouvait être aimée, comblée en surface autant qu’en profondeur.
Il baisa son épaule et les fruits de ses seins, et des secousses réprimées le prévinrent qu’elle se retenait de rire. Joie et peut-être aussi orgueil : elle était tout à coup comme déifiée.
Épaule encore, aisselle picotante. Flanc, accroc du nombril, lèvres décloses. Soupirs accrus, lisière de la pâmoison. Une même exaltation les envahissait et elle disait : « Recommence », puis un chapelet de mots inconnus – peut-être une prière, une action de grâces tandis qu’il buvait dans un double baiser toute la magnificence des seins gonflés de vigueur et de vie dans lesquels un cœur battait.
Elle ne disait mot, maintenant, ennoblie par une espèce de respect craintif, comme atteinte, justement, par la grâce, traversée d’une certitude dont elle s’enivrait : elle touchait au bonheur parfait.
Elle se mit à gémir, à murmurer des mots, derechef dans sa langue tandis que de la sienne il la touchait dans ses recoins, ses mystères, le regard enfoui dans des ténèbres chatouilleuses. Les vagues chaudes d’une fureur douce les emportaient déjà, bien qu’ils ne fussent unis que par leurs mains jointes. Une force les nouait, le même désir de connaissance, le même besoin d’oubli par l’accomplissement d’un rite où ils se surpasseraient quelque éphémères qu’en fussent les richesses et les écumes indicibles. Elle lui donna sa bouche tandis qu’il s’engageait dans ses palpitations, lentement, et frappait la première mesure d’une danse qu’ils avaient retardée et qui les entraînait vers une liesse où, songea-t-il, les frissons des guiternes étaient inacceptables.
Elle le griffait. Il sentait dix petites dents s’enfoncer dans ses reins tandis qu’il s’enfonçait dans des abîmes où elle le maintenait, paupières closes comme pour voiler ses émois ou les retenir en elle. Un même souffle les subjuguait ; les mêmes contorsions, les mêmes saveurs les enivraient. Ils écoutaient leurs haleines se mêler tandis que la même jubilation se répandait dans leurs entrailles, leurs cœurs et jusqu’en leurs âmes. Dans le silence de la maison, dans le vide de la chambre où seul le lit grinçait, le moindre gémissement de Francisca exprimait plus de bien être que les lèvres qui l’exhalaient. Une trop longue abstinence contraignait Tristan à se dominer. Il s’obligeait à la lenteur alors qu’elle eût sans doute aimé plus de vivacité ; cependant, quoi qu’il fît, le plaisir qu’il lui donnait avant de s’en donner gagnait en ampleur, en délices. Il recouvrait ce contentement auquel il avait aspiré tout au long de ces semaines de sang et de larmes, analogue à celui de ses songes et pourtant dissemblable : sublimé par Francisca, et s’il sentait sa peau délivrée des griffades, les doigts mouvants de la danseuse y jouaient il ne savait quoi. Leurs attouchements semblaient aussi légers qu’un vol de moucherons.
Bonheur ! La passion de leurs sens parvenait à son terme. Le sang leur battait aux tempes. Ils se pétrifiaient, sursautaient tandis que dans la fièvre des ultimes mouvements, la féerie des derniers accords se réverbérait de l’un à l’autre, s’accentuait, leur tirait du fond de l’être des râles qui se confondaient en un seul avant que dans un cri de Francisca, pâmée, le bonheur les comblât de sa bénédiction.
Longtemps dura
Weitere Kostenlose Bücher