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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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répondu, déférente, sa gouvernante Aimée de Lafayette.
    Tout au long de la route, il avait fallu multiplier les haltes, du fait des malaises répétés de Jeanne qui, travaillée par la puberté, était souffrante alors ; des pertes continuelles la fatiguaient et la rendaient fragile.
    — Voilà ce que c’est que de vouloir être femme ! feignait de plaisanter Aimée, dont la bonne nature cherchait à minimiser les épreuves.
    Son amour de la vie était communicatif. Mais sous ses apparences légères, elle se souciait fort, en vérité, de la santé de sa pupille, de même qu’elle s’inquiétait du mari qu’on lui destinait en haut lieu... Pour les accompagner jusqu’à Fontainebleau, Aimée avait choisi deux matrones, quelques archers et l’écuyer Gautier de Coisay qui, connaissant fort bien la route, avait beaucoup contribué à contenir leur retard.
    Henri et Marguerite de Navarre, néanmoins fort inquiets, étaient accourus à la rencontre de leur fille, qu’ils embrassèrent et câlinèrent comme si elle venait de réchapper d’un naufrage.
    En parents attentifs, mais surtout en souverains responsables, ils se préoccupaient du mariage de leur fille. Henri d’Albret n’oubliait jamais que son petit royaume avait été, trente ans plus tôt, amputé de sa moitié méridionale. Il espérait bien récupérer ces territoires ; or, parmi les maigres atouts dont il disposait, figurait à l’évidence la main de Jeanne.

    Cet hiver-là, le château de Fontainebleau, en dépit du froid, paraissait en ébullition. Ses couloirs et ses antichambres, tout odorants encore des relents de peinture et de plâtres frais, bruissaient en effet des algarades de la duchesse d’Étampes avec le bouillant Benvenuto Cellini. Cet orfèvre italien, également sculpteur et faiseur de décors, s’était vu passer commande de sujets importants pour la porte et l’hémicycle du séjour royal. Il en avait présenté les modèles au souverain mais, peu au fait des usages de cette cour, avait négligé de solliciter, à leur propos, l’avis de la favorite. Anne, forcément, avait vu rouge.
    — Si Benvenuto, avait-elle lâché, glaciale, m’était venu montrer ses beaux ouvrages, il m’aurait donné lieu de penser à lui !
    Le lendemain, l’artiste s’était présenté chez la maîtresse en titre avec, pour se faire pardonner sa bévue, un vase qu’il avait l’intention de lui offrir. Elle l’avait fait patienter une journée entière, et avait si bien découragé ses prévenances qu’en fin de compte, Cellini s’en était allé offrir son vase au cardinal de Ferrare !
    Dès lors, la duchesse d’Étampes avait résolu de détruire la réputation du maître.
    Au moment où s’installaient, dans leurs appartements, l’infante Jeanne et sa suite, on annonça la présentation par Cellini de son dernier chef-d’œuvre : un Jupiter d’argent de toute beauté, monté sur un piédestal en or ! Aimée de Lafayette avait la passion de ces choses ; aussi bien elle se faufila dans la galerie, pour ne rien perdre d’un si grand événement.
    Las ! Anne de Pisseleu s’était arrangée pour que le Jupiter fût noyé au milieu de bronzes à l’antique du Primatice, et pour que l’éclairage, insuffisant, ne permît pas d’en apprécier toutes les qualités... C’était compter sans l’ingéniosité de Cellini.
    Alors qu’on annonçait le roi de France, le maître disposa, dans la main de son Jupiter, une torche allumée qui mit le roi de l’Olympe en pleine lumière, et souligna toutes ses beautés. Les courtisans riaient sous cape. La favorite était furieuse.
    — Il faut croire que vous n’avez pas d’yeux ! lâcha-t-elle à celles qui, trop heureuses de la taquiner, s’extasiaient devant le chef-d’œuvre d’argent. La vraie beauté, la perfection, sont à chercher dans ces bronzes et non... là-dedans !
    Elle avait prononcé le dernier mot avec un souverain mépris. Le roi, lui, ne tarissait pas d’éloges devant le génie si évident de Benvenuto. Anne revint vers le Jupiter.
    — Vous lui avez drapé la cuisse, remarqua-t-elle. Pour cacher quelque défaut, sans doute...
    Piqué au vif, l’Italien, d’un geste un peu rude, arracha le voile qui, par pudeur, avait été jeté sur les parties de la statue. Un murmure parcourut l’assistance.
    — Il est parfait aussi de ce côté, crut devoir ajouter l’artiste.
    La maîtresse du roi prit cette soudaine exhibition pour une insulte à sa

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