Les Fils de France
font-ils ? se permit Jacqueline, pour une fois indiscrète.
La dauphine ne répondit pas. Au-dessous d’elle, dans la vaste et belle chambre, s’accomplissait une sorte de rite dont la beauté même semblait interdire toute pensée malsaine. L’athlétique Henri était nu, comme lors de sa première nuit avec sa femme, à Marseille. Étendu sur le dos, les bras en croix, il se laissait couvrir de baisers, de morsures, de suçotements par Diane, transfigurée – Diane dont la chemise, en grande partie défaite, magnifiait le teint d’ivoire et de rose. Elle se dépouilla elle-même de ce restant de vêture.
— Je dois dire qu’elle est belle, très belle... articula Catherine.
Les amants s’enlacèrent comme s’ils flottaient au-dessus du sol ; leurs bras et leurs jambes, imbriqués comme les membres d’un même corps, donnaient le sentiment d’une étreinte juste effleurée. Ils respiraient d’harmonie. Mais par instants, il semblait que tout en eux s’affolait d’un même souffle ; s’empoignant alors comme en une lutte à peine esquissée, ils donnaient libre cours à leurs pulsions. Une tendresse joyeuse, presque religieuse, semblait les animer. Henri prit dans sa bouche le téton généreux de Diane, couleur d’abricot mûr, et se mit à jouer avec lui d’une manière qui sidéra son épouse ; quand la maîtresse fit de même avec le sexe de son amant, Catherine estima qu’elle en avait assez vu.
Son cœur humilié battait la chamade. Connaîtrait-elle jamais, avec celui qui était son mari devant Dieu, ne serait-ce que l’ombre d’une telle entente ?
— Alors ? insista Jacqueline, vaguement inquiète.
La dauphine, la gorge nouée, serrait les lèvres dans une étrange grimace ; elle tomba dans les bras de son amie et s’y épancha. Cette leçon l’avait bouleversée plus qu’enseignée, et sans vraiment regretter l’initiative de sa complice, elle se dit qu’elle aurait mieux aimé ne jamais constater ce que son imagination avait été si loin d’entrevoir.
Château de Fontainebleau.
— C omme je suis heureuse que vous passiez me voir !
La duchesse d’Étampes fit entrer Françoise de Longwy, amirale de Brion, dans son boudoir doré. La malheureuse traversait des temps difficiles. Sur les instances du connétable et de ses agents, son mari, Philippe Chabot, avait été traduit en justice pour ses multiples prévarications ; on lui reprochait notamment d’avoir touché des pots-de-vin du Portugal, sur le dos des armateurs français.
— Madame, dit la visiteuse éplorée, je ne sais comment vous remercier de tous vos bons offices...
— Laissez cela. La disgrâce qui frappe votre mari m’atteint personnellement. En essayant d’adoucir vos peines, ce sont mes propres intérêts que je défends.
Anne de Pisseleu était là dans son meilleur rôle : la négation de ses mérites au bénéfice de sa supposée modestie. Elle se laissa tomber sur un lit de repos, où la rejoignit dans l’instant un petit singe au pelage gris tirant sur le vert.
— Qui aurait pu prédire, gémit Mme de Brion, que mon mari serait ainsi inquiété, puis traduit en justice ?
— Moi, j’aurais pu vous le dire. Du reste, je l’avais prévenu ! Notre grand amiral s’est montré imprudent, ma bonne...
Le petit singe jouait avec le très long collier de la favorite. Il affectait d’en détailler chaque perle, comme un joaillier sourcilleux. L’amirale se dérida un peu à le voir faire ; puis son rictus se déforma et elle fondit en larmes.
— Sans vous, madame, je serais bientôt à la rue, pleurait-elle.
— Allons, vous n’allez pas vous laisser démonter.
— Pardon, madame, oh pardon de vous donner ce spectacle !
La maîtresse en titre fit asseoir auprès d’elle son amie dolente.
— Je vous promets de tout faire pour obtenir que les juges ne se montrent pas trop sévères, lui confia-t-elle. J’ai beaucoup travaillé le roi en ce sens, et je puis vous assurer que j’ai bon espoir.
— Le roi, madame ? Mais ce maudit connétable l’a braqué contre nous ! Je l’ai croisé en venant, dans toute sa suffisance...
— Ne vous y fiez pas, susurra la duchesse. Quand vous l’avez vu, tout à l’heure, Montmorency ne se rendait chez le roi que pour s’y faire laver la tête. Voyez-vous, il semblerait qu’il a commis l’erreur de s’en prendre à la seule personne que Sa Majesté protégera toujours : sa sœur Marguerite !
— Mais pourquoi ce monsieur
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