Les Fils de France
destiné à une personne de ma famille. Je veux croire que vous allez retrouver ce recueil au plus vite, et le rendre à sa légitime destinataire.
— Je ferai pour le mieux, sire.
— Comment ose-t-il se défiler ainsi ?
Marguerite, outrée par la suffisance du connétable, s’était relevée pour l’affronter. Mais de nouveau son frère s’interposa.
— Ma chère sœur, le mieux serait, maintenant, que vous nous laissiez. Monsieur le connétable et moi avons quelques affaires à traiter ; et pour ce qui est de votre livre, je suis certain qu’il ne tardera plus à vous parvenir.
— Cela vaudrait mieux, dit-elle avec courroux.
Avant de quitter le cabinet de son frère, elle se retourna une dernière fois pour qualifier son ennemi du seul nom qui, décidément, lui semblait s’imposer.
— Menteur !
Puis elle sortit d’un pas altier. Le roi, brûlant toujours ses feuillets, secoua la tête d’un air désolé.
— Moi qui me réjouissais, dit-il, de vous savoir à nouveau bons amis !
— Pour dire vrai, sire, j’ignore ce qui a pu mettre Madame Marguerite dans une telle fureur !
— Vous devez bien vous en douter un peu...
Le roi regarda son grand serviteur d’un air d’extrême lassitude. Tant de force, tant d’efficacité – pour ne rien dire du génie militaire – tout cela, gâché par une incapacité radicale à faire utilement sa cour.
— Savez-vous, lui demanda-t-il, ce que je suis en train de brûler avec tant de constance ?
— Non, sire.
— Ce sont des mémoires que l’on m’adresse quotidiennement et qui, tous, s’appliquent à dénoncer vos procédés.
Le connétable ne répondit pas, mais il blêmit sous ce coup imprévu. Le roi insista.
— Cette guerre à outrance, que vous voulez mener contre les réformés, n’est certes pas propice à la paix de mes peuples...
— Sire, c’est une purge nécessaire, quoique désagréable comme sont souvent les purges. Mais c’est un mal véniel pour en éviter un terrible ! Car si nous n’éradiquons pas l’hérésie aujourd’hui, elle trouvera en France un terreau si fertile que, tôt ou tard, le royaume Très Chrétien sombrera dans les pires errances.
— Ne pensez-vous pas qu’un peu de douceur, et beaucoup de temps, produiraient dans ce domaine des résultats meilleurs que la violence ?
Le connétable, une fois encore, préféra ne pas répondre. Le roi soupira, en jetant au feu les ultimes libelles dirigés contre son grand serviteur.
— Après tout, dit-il, c’est peut-être vous qui avez raison.
D’un geste à peine esquissé, il fit comprendre à Montmorency qu’il pouvait disposer. Le connétable, nullement troublé, mais sincèrement navré que sa politique ne fût pas mieux comprise et soutenue davantage, aurait aimé se lancer dans un grand plaidoyer ; seulement l’épanchement n’était guère dans sa nature, et c’est sans un seul mot qu’il tira sa révérence. Il avait déjà le bouton de la porte en main quand le roi le rappela.
— Montmorency !
— Sire ?
Le monarque soupira douloureusement. Il paraissait chercher ses mots.
— Au fond, je n’ai rien à vous reprocher...
— Alors, tant mieux.
— Je n’ai rien à vous reprocher, si ce n’est que vous n’aimez pas ceux que j’aime.
1 - Voir La Régente noire .
2 - Voir La Régente noire .
3 - Anne de Beaujeu.
4 - Voir La Régente noire .
5 - C’est la réunion de plusieurs initiales formant l’emblème d’une personnalité.
6 - Viens, petite !
7 - Sois gentille !
8 - Petite chaise volante, propice à la conversation.
Chapitre VI
Mariage forcé
(Hiver et Printemps 1541)
Château de Fontainebleau.
J eanne de Navarre et son petit convoi atteignirent Fontainebleau avec le soulagement visible des voyageurs épuisés. Dans les premiers jours de janvier, un messager royal était venu au Plessis, près de Tours, porteur d’une convocation de François I er . Le roi, toutes affaires cessantes, souhaitait entretenir la jeune infante de choses apparemment importantes. Lui avait-il trouvé un mari ? À défaut d’une alliance impériale, peu probable en ces temps de durcissement des relations avec Charles Quint, son oncle allait peut-être proposer à Jeanne un époux anglais – à moins qu’un prince français ne fît l’affaire...
— Vais-je épouser mon cousin Charles ? avait demandé la fillette.
Elle avait treize ans ; Orléans, bientôt dix-huit.
— C’est au roi d’en décider, avait
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