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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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gouvernante et son gendre, il s’inclina sobrement, à l’allemande, et se laissa raccompagner par le roi. Jamais fiancé n’avait passé si peu de temps avec sa tendre élue...

    Le cardinal sortit un instant sur les talons des souverains puis, faisant bientôt retour et fermant derrière lui la porte, se chargea de réitérer, en les précisant, les ordres du roi.
    — Votre attitude est inqualifiable, madame ! grondait-il en sourdine, sans que l’on pût discerner s’il s’adressait plutôt à Jeanne ou à sa gouvernante. Le roi est ulcéré, et je dois vous avouer que, dans cette rencontre 4 je lui trouve, pour ma part, encore bien de la patience !
    Avec le visage allongé d’un rongeur, le cardinal de Tournon présentait une silhouette d’oiseau dégingandé. Un oiseau rouge sang dont les mouvements, étrangement élastiques, laissaient toujours une impression de malaise. Il s’en prit, bien clairement cette fois, à Mme de Lafayette et à son gendre.
    — Il ne faudrait pas, dit-il, que cette union vînt à échouer, car alors je ne pourrais répondre du roi, et serais bien en peine de calmer sa colère.
    Il pointa vers le Ciel un index comminatoire.
    — Et vous savez que l’on ne survit pas à la colère des rois !
    Un souffle glacé traversa la pièce.
    — Monseigneur, osa pourtant Aimée de Lafayette, vous trouverez bon que je m’étonne, sachant tout ce que vous devez vous-même à la reine et au roi de Navarre, de vous voir insister pour marier leur fille contre leur volonté.
    — C’est vous qui avez mis cela dans la tête du roi François, enchérit le vicomte de Lavedan.
    — Mais taisez-vous donc, malheureux ! Ah...
    Le prélat paraissait désolé d’avoir à prononcer d’aussi rudes sentences.
    — Je le déplore, croyez-moi, mais je sens déjà que cette hardiesse va vous coûter très cher.
    Aimée s’imaginait que le bon sens, pour peu qu’on l’énonçât, pouvait dissiper tous les conflits.
    — Enfin, reprit Aimée en secouant la tête, vous voyez bien que la petite infante n’en veut pas, de votre Allemand.
    — Votre vulgarité, s’emporta Tournon, me rend malade. L’affaire est bien trop importante pour le roi, pour la couronne, pour les affaires du monde ! Et quoi que vous pensiez ou disiez jamais, je vous promets, je vous certifie qu’elle se fera.
    Sur quoi le cardinal gagna la porte, non sans avoir, avant de s’éclipser, lancé vers la princesse une ultime mise en garde.
    — Et vous, je puis vous garantir que si vous révélez à vos parents un mot, un seul, de ce qui s’est dit ici, vous irez finir votre vie dans une tour !
    — Elle est tout juste commencée, sa vie ! cria presque Mme de Lafayette.
    Mais Tournon avait disparu.

Saint-André-de-Cubzac.
    A u moment où, dans son exil de Touraine, leur fille affrontait seule la colère de François I er , ses parents, loin d’imaginer de telles scènes, s’étaient mis en route de leur côté. Le roi de France leur avait donné rendez-vous à Châtellerault pour les noces de Jeanne, dont il avait fixé la date au 14 juin.
    « C’est la meilleure saison, lui avait fait répondre Henri d’Albret ; il faut que les cérémonies soient belles ! » Ce changement soudain d’attitude avait un peu surpris son beau-frère ; mais puisque les choses avançaient dans le bon sens – autrement dit : le sien – il n’avait pas cherché plus outre.
    En vérité, ce revirement brutal obéissait à un basculement de la situation ; il était lié, naturellement, à la maladie de Marguerite. Longtemps restée entre la vie et la mort, la reine de Navarre demeurait fragile, en effet. Peu à peu, sa santé s’était en partie rétablie. Mais si la reine avait recouvré, progressivement, l’usage de ses membres gauches, puis celui de la parole, ainsi que ses facultés auditives et gustatives, la vue tardait à lui revenir. Son œil gauche demeurait presque aveugle.
    Forcément, un tel accident avait donné à réfléchir aux Albret. Ils s’étaient dit que si Marguerite, d’un jour à l’autre, venait à disparaître, Henri aurait tout loisir de se remarier et que, probablement, sa nouvelle épouse lui donnerait des enfants mâles. Ainsi, Jeanne perdrait son statut d’héritière du petit royaume ; et dans ce cas, la prestigieuse alliance d’un duc de Clèves ne serait plus à mépriser.

    Voyageant lentement, afin de ménager la convalescente, les souverains navarrais entraient dans

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