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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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qu’il se passe ici, lança-t-il d’un ton presque menaçant.
    Jamais la stature immense de François I er n’avait paru si impressionnante que ce matin-là, confrontée à cette frêle silhouette de treize ans. L’oncle vrilla son regard dans celui de sa nièce. Il sortit un papier de son pourpoint, peut-être pour y noter une idée.
    — À Fontainebleau, vous m’avez dit que vous étiez satisfaite d’épouser le duc de Clèves. Qui donc vous a conseillé de changer d’avis ?
    — Je ne savais pas, alors, le dommage que je causerais à mon père.
    — Quel dommage ?
    Le roi n’entrait pas assez dans les idées de son beau-frère pour partager ce point de vue. Sa nièce s’agenouilla.
    — Sire, mariez-moi en France ! Car plutôt que d’épouser le duc de Clèves, je préférerais entrer au couvent.
    Jeanne avait dit cela sur un ton bien modeste, mais elle l’avait dit cependant. Et le roi de France, qui savait que son allié patientait dans une antichambre, sentit le sol se dérober sous ses pieds.
    — Mais enfin, qui vous a parlé des prétendus dommages que ce mariage causerait à votre père ?
    La colère, perceptible dans la voix du roi, intimida un peu plus la récalcitrante. Il fallut lui reposer la question.
    — C’est un gentilhomme...
    — Un gentilhomme !
    — Un gentilhomme envoyé à Votre Majesté par les sujets béarnais de mon père.
    — Ah, les sujets béarnais !
    Le roi, de rage, froissa la feuille qu’il tenait et la jeta. Il fit deux ou trois fois le tour de la pièce, exactement comme un fauve en cage, puis il trancha.
    — Vous ferez ce que vos parents, le roi et la reine de Navarre, vous ordonneront.
    — Si le roi mon père m’ordonnait d’épouser le duc de Clèves, ce ne serait que pour obéir à Votre Majesté.
    Peu à peu, l’indignation – ou bien la conscience de jouer son avenir – donnait de la consistance à cette petite voix qui se rebellait. François frappa du poing sur une table.
    — Vous verrez que votre père vous l’ordonnera ; ce mariage se fera malgré qui que ce soit !
    — Non, sire.
    Il est fort probable que jamais encore, dans un règne d’un quart de siècle, François I er n’avait rencontré d’opposition si résolue. Il n’en croyait tout simplement pas ses oreilles. L’enfant, de son côté, la première crainte passée, s’enferrait dans un refus qui commençait à la grandir à ses propres yeux. Le souverain se baissa de nouveau pour la regarder bien en face.
    — Mademoiselle, nous vous ordonnerons d’épouser qui vous savez !
    — Plutôt que d’épouser le duc de Clèves, j’irai me jeter dans un puits !
    Attendrie par sa propre formule, et peut-être consciente de dépasser la mesure, Jeanne fondit en larmes. Elle commit l’imprudence d’aller se réfugier dans les bras de sa gouvernante, détournant sur la pauvre femme l’ire du monarque.
    — Quant à vous, madame, vous me répondrez des grands désordres que je déplore ici ! Je ne sais trop quelle cabale s’est fait jour dans ce coin de Touraine, mais je puis vous assurer que, s’il le faut, j’y mettrai bon ordre moi-même.
    — Sire... crut devoir intervenir le vicomte de Lavedan.
    — Et nous verrons tomber quelques têtes !
    C’est sur ces mots, effroyables dans la bouche d’un roi, que François I er quitta la pièce.
    Jeanne avait attendu ce moment pour s’évanouir dans les bras d’Aimée.

    Moins d’une heure plus tard, le roi était de retour dans la chambre, tout sourire, l’air dégagé. Il avait à sa droite le duc de Clèves, un guerrier blond de vingt-cinq ans à la barbe courte, l’air aussi fermé que noble, et à sa gauche le cardinal de Tournon, artisan de l’alliance nouvelle et de la politique de durcissement à l’égard de l’empereur.
    — Laissez-moi donc vous présenter ma chère nièce, dit François tout patelin, comme si rien n’était venu obscurcir le ciel printanier du Plessis.
    L’infante paraissait momifiée. Sa rigidité conféra d’emblée aux présentations un tour parfaitement irréel. Figée comme un automate, elle fit une révérence absente au duc de Clèves, et se laissa, telle une morte, embrasser par lui tout en fixant le plafond d’un œil vide.
    — Elle est un peu intimidée, c’est l’âge ! s’excusa le roi dans un accès d’hypocrisie louable.
    Le fiancé, de son côté, refroidi par tant de raideur, et d’une nature distante au demeurant, n’insista pas. Après avoir salué la

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