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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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mais cette sensation de regarder dans un gouffre dont il n’apercevait pas le fond. Il l’avait souvent ressentie à l’époque où il chantait devant un public. Il prit une grande inspiration, posa sa pile de livres sur le bureau, sourit à l’assistance et lança :
    — Feasgar math !
    Il n’en fallut pas plus. Prononcer ou chanter les premiers mots était comme d’agripper un fil électrique ; un courant se créait entre l’assistance et lui et les paroles suivantes semblaient surgir de nulle part, se déversant hors de lui comme l’eau à travers l’une des turbines géantes de Brianna.
    Après une courte introduction, il commença par les jurons, conscient que c’était ce qui intéressait plus que tout la plupart des enfants. Quelques parents froncèrent les sourcils mais les grands-parents esquissèrent des sourires entendus.
    — En gàidhlig nous n’avons pas de gros mots comme ceux que l’on connaît en anglais. Désolé, Jimmy.
    Il sourit à un garçon aux cheveux filasse et à l’air bagarreur assis au deuxième rang. Ce ne pouvait être que la petite teigne qui avait dit à Jem qu’il irait en enfer. Quand les rires s’éteignirent, il reprit :
    — Ce qui ne signifie pas qu’on ne peut pas dire à quelqu’un tout le mal qu’on pense de lui mais, en gaélique, l’insulte est un art.
    Une vague de rire secoua les plus âgés et plusieurs des enfants se retournèrent vers leurs grands-parents, sidérés.
    — Pour vous citer un exemple, j’ai entendu un jour un fermier dire à sa truie qui était entrée dans la fosse à purin qu’il espérait que ses intestins exploseraient dans son ventre et qu’elle finirait dévorée par les corbeaux.
    Les enfants émirent un « Oh ! » impressionné. Il poursuivit avec des versions soigneusement édulcorées des imprécations les plus créatives qu’il avait entendues de son beau-père. Il était inutile de leur préciser que, en dépit de l’absence de gros mots, il était toujours possible de traiter une femme de « fille de chienne » quand on voulait la blesser. Si les gamins voulaient savoir ce que Jem avait réellement dit à Mlle Glendenning, ils n’avaient qu’à le lui demander. Si ce n’était déjà fait.
    Il passa ensuite à une description plus sérieuse mais brève du Gaeltacht, cette région d’Ecosse où, traditionnellement, on parlait le gaélique, puis il raconta quelques anecdotes de son adolescence quand il apprenait la langue sur les harenguiers dans la baie du Minch. Il inclut l’intégralité du discours d’un certain capitaine Taylor, adressé, le poing brandi, à la mer, aux cieux, à l’équipage et aux crustacés après qu’une tempête eut ravagé son coin à homards préféré et disséminé tous ses casiers. L’assistance était pliée en deux et plusieurs vieux, hilares, échangèrent des messes basses, ayant visiblement vécu des expériences similaires.
    — Mais le gàidhlig est avant tout une langue, reprit-il. Il sert principalement à communiquer. Combien d’entre vous ont déjà entendu des chants de travail ? Notamment des chants de foulage ?
    Il y eut des murmures d’intérêt. Certains en connaissaient, d’autres non. Il expliqua ce qu’était un chant de foulage.
    — Les femmes travaillaient toutes ensemble, tirant, foulant et battant l’épais tissu de laine pour resserrer les mailles et le rendre imperméable. Dans le temps, les gens n’avaient pas d’imperméables ni de bottes en caoutchouc et ils travaillaienten extérieur la nuit comme le jour, par tous les temps, s’occupant de leur bétail ou de leurs champs.
    Sa voix s’était suffisamment chauffée à présent. Il ouvrit son classeur, choisit un bref chant de foulage, leur chanta le premier couplet et le refrain, puis les invita à joindre leurs voix à la sienne. Ils le suivirent pendant quatre couplets. Quand il sentit la tension dans sa gorge devenir audible, il s’arrêta.
    — Ma grand-mère chantait ce chant, lâcha soudain une mère.
    Tous les regards se tournèrent vers elle, la faisant virer au rouge pivoine.
    — Votre grand-mère est-elle encore en vie ? lui demanda Roger. Dans ce cas, vous devriez lui demander de vous l’enseigner puis l’apprendre à vos enfants. Ce genre de tradition ne devrait pas se perdre, vous ne trouvez pas ?
    Encouragé par les murmures d’assentiment, il saisit son vieux livre de cantiques.
    — On peut encore entendre une autre forme de ces anciens chants de travail le

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