Les fils de la liberté
encore né au moment où j’écris (un petit-enfant, peut-être ?), j’ignore si tu possèdes cette sensibilité, cette aptitude ou ce je-ne-sais-quoi mais je t’assure qu’elle est réelle. D’après votre grand-mère, il s’agirait d’un trait génétique, comme le fait de pouvoir rouler sa langue en forme de U. Si tu ne l’as pas, il est impossible de t’expliquer comment faire, même si tu peux l’observer chez quelqu’un qui possède ce trait. Si c’est ton cas, j’ignore si je dois m’excuser ou te féliciter. Après tout, ce n’est pas pire que les autres caractéristiques que les parents transmettent à leurs enfants, comme les dents de travers ou la myopie. Quoi qu’il en soit, sois certain que nous ne l’avons pas fait exprès.
Désolé, je digresse. L’idée de base est la suivante : l’aptitude à voyager dans le temps pourrait dépendre d’une sensibilité génétique à ces… convergences ?… vortex ?… de lignes Ley.
Du fait de la particularité géologique des îles Britanniques, on trouve ici de nombreuses lignes Ley ainsi qu’un grand nombre de sites archéologiques qui y semblent liés. Votre mère et moi avons l’intention de repérer, pour autant que nous puissions le faire sans danger (et ne vous y trompez pas, c’est très dangereux), ceux de ces sites qui pourraient être des portails.
De toute évidence, il n’y a aucun moyen de vérifier si un site spécifique est bien un portail ou pas*.
Certains sites semblent « ouverts » à des dates correspondant aux fêtes du soleil et du feu de l’ancien monde (du moins sont-ils plus ouverts qu’à d’autres périodes). Si cette hypothèse est vraie, cela pourrait avoir un rapport avec la force gravitationnelle du soleil et de la lune. Cela paraît une explication raisonnable dans la mesure où il est prouvé que ces deux corps célestes influent sur le comportement de la terre par l’intermédiaire du climat, des marées, etc. Alors pourquoi pas également de vortex temporels, après tout ?
* Note 1 : Votre mère vient de me faire un long exposé dont je n’ai retenu que les mots « théorie du champ unifié ». Apparemment, il s’agit de quelque chose qui n’existe pas encore mais, si c’était le cas,cela expliquerait toutes sortes de choses, notamment pourquoi une convergence de lignes géomagnétiques serait capable d’affecter le temps là où elle se produit. Personnellement, tout ce que j’ai compris de cette explication, c’est que le temps et l’espace sont parfois la même chose et que la gravité joue un rôle là-dedans. Comme tout ce qui concerne ce phénomène, cela me laisse perplexe.
Note 2 :
— Jusque-là, c’est compréhensible ? demanda Roger.
— Pour autant qu’il y ait quelque chose à comprendre dans toute cette histoire, oui.
En dépit du malaise qu’elle ressentait chaque fois qu’ils abordaient le sujet, Brianna ne put réprimer un sourire. Il paraissait si sérieux. Il avait une tache d’encre sur la joue et tout un côté de sa tête était ébouriffé.
— La pédagogie doit couler dans ton sang.
Elle sortit un mouchoir de sa poche, le lécha comme une mère chatte et lui frotta le visage.
— Tu sais qu’il existe une merveilleuse invention qu’on appelle le feutre ?
Il ferma les yeux, se laissant nettoyer.
— Je les déteste. En outre, le stylo à encre est un grand luxe comparé à la plume.
— C’est vrai, papa avait toujours l’air de sortir d’une explosion dans une fabrique d’encre après avoir rédigé son courrier.
Son regard revint sur la page et elle sourit en lisant la première note.
— Mon explication tient debout ? s’enquit Roger.
— Dans la mesure où tu t’adresses à des enfants, oui. Que comptes-tu mettre dans la seconde note ?
— Ah, ça…
Il se cala contre son dossier en croisant les doigts, l’air embarrassé. Il n’en fallait pas plus pour éveiller les soupçons de Brianna.
— Oui, « ça ». Y a-t-il une « pièce à conviction numéro un » qui entre dans cette note ?
— Euh… oui, répondit-il à contrecœur. Les cahiers de Geillis Duncan. Le livre de Mme Graham sera la « pièce à conviction numéro deux ». La note 4 concernera les explications de ta mère sur les superstitions liées aux semailles.
Sentant ses genoux mollir, Brianna se laissa tomber sur une chaise.
— Tu es sûr que c’est une bonne idée ?
Elle ignorait où se trouvaient les cahiers de Geillis
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