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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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érodée par le temps, un fragment d’une culture disparue, recelant des vestiges de ce qui l’avait inspirée, étrangement magnifiée par l’âge, sanctifiée par l’Antiquité. Je ne m’étais jamais vue sous cet angle mais je ne voyais pas ce qu’il pouvait vouloir dire d’autre.
    — En tant que mon amie, répondit-il enfin.
    — Oh, dis-je émue. Merci.
    J’attendis, puis je rabattis le drap sur nous. Enhardie par cette nouvelle intimité, je me hasardai :
    — Puisque nous sommes amis…
    — Oui ?
    — Je me demandais… êtes-vous… êtes-vous resté seul toutes ces années ? Depuis la mort de votre femme ?
    Il soupira mais sourit pour me montrer que ma question ne le dérangeait pas.
    — Si vous voulez vraiment le savoir, j’entretiens depuis de longues années une relation physique avec mon cuisinier.
    Devant mon air perplexe, il précisa :
    — Mon cuisinier à Mount Josiah, en Virginie. Il s’appelle Manoke.
    Je me souvins en effet que Bobby Higgins m’avait dit que lord John employait un Indien nommé Manoke.
    — Il ne s’agit pas uniquement de soulager des pulsions primaires, ajouta-t-il. Il existe une véritable affection entre nous.
    — Je suis ravie de l’entendre, murmurai-je. Il est… euh…
    — J’ignore si ses préférences le portent exclusivement vers les hommes. J’en doute. J’ai d’ailleurs été fort surpris lorsqu’il m’a manifesté son désir mais je ne suis pas en position de me plaindre, quels que soient ses goûts.
    Je me passai un doigt sur les lèvres. Je ne voulais pas paraître d’une curiosité vulgaire.
    — Cela ne vous ennuie pas qu’il… ait d’autres amants ? Ou lui que vous en ayez ?
    Je ressentis une soudaine appréhension. Je n’avais pas l’intention que ce qui s’était passé la veille se reproduise unjour. De fait, j’essayais toujours de me convaincre qu’il ne s’était rien passé. Je ne comptais pas non plus l’accompagner en Virginie. Mais s’il le fallait et si les domestiques de lord John présumaient que… J’imaginai un cuisinier indien jaloux empoisonnant ma soupe ou m’attendant tapi dans un coin avec un tomahawk.
    John semblait penser à la même chose. Je remarquai qu’il avait une barbe drue. Le chaume blond adoucissait ses traits tout en le faisant paraître différent. Je l’avais toujours vu parfaitement rasé et coiffé.
    — Non, reprit-il enfin. La possessivité n’a pas lieu d’être dans notre relation.
    Je lui lançai un regard profondément dubitatif.
    — Je vous l’assure, dit-il en souriant. Comment vous le faire comprendre ? Laissez-moi vous donner une analogie. Sur ma plantation… En réalité elle appartient à William, naturellement. J’en parle comme si c’était la mienne uniquement parce que j’y habite…
    J’émis un petit son poli pour lui faire entendre qu’il pouvait passer outre à son souci de précision et en venir au but.
    — Sur la plantation, donc, il y a un grand espace dégagé derrière la maison. Au début, c’était une petite clairière mais je l’ai fait agrandir au fil des ans et y ai fait planter de la pelouse. Elle est cernée par les arbres. Le soir, les cerfs sortent souvent de la forêt pour venir brouter le gazon. De temps à autre, j’en aperçois un en particulier. Il est blanc, sans doute, mais il semble argenté. J’ignore si c’est parce qu’il ne sort que les nuits de lune ou parce que je ne peux le voir qu’à la lumière de la lune mais c’est un spectacle d’une rare beauté.
    Son regard s’était adouci et je devinai qu’il ne voyait pas le plafond mais le cerf blanc illuminé par la lune.
    — Il vient deux ou trois soirs d’affilée, quatre tout au plus, puis disparaît et je ne le revois plus pendant des semaines, voire des mois. Mais chaque fois qu’il réapparaît, c’est le même enchantement.
    Il roula sur le côté et me regarda.
    — Vous comprenez ? Je ne possède pas cette créature, et, même si c’était en mon pouvoir, je ne le souhaite pas. Son apparition est un présent que j’accepte avec gratitude mais,quand il repart, je n’ai pas un sentiment d’abandon ni de privation. Je suis simplement heureux d’avoir pu jouir de sa beauté le temps qu’il a bien voulu m’accorder.
    — Vous voulez dire qu’il en va de même pour votre relation avec Manoke ? Ressent-il la même chose pour vous ?
    Il parut surpris.
    — Je n’en ai aucune idée.
    — Vous… euh… ne discutez pas au lit ?
    — Non.
    Nous

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