Les fils de la liberté
bien que sa veste soit trempée de sueur et de sang. William s’assura que son pistolet était chargé et le lui mit dans la main avant de sortir le sien et de courir vers Baum dressé sur ses étriers, hurlant des instructions en allemand d’une voix haut perchée.
William ne comprenait qu’un mot sur deux et regarda autour de lui, essayant de deviner les ordres donnés aux réactions des Hessiens. Il aperçut un petit groupe d’éclaireurs courant sur la route dans leur direction et s’élança à leur rencontre.
— Saloperies de rebelles, haleta l’un d’eux. Ils arrivent.
— Où ça ? Ils sont encore loin ?
Son excitation était à son comble mais il s’efforça de rester immobile et de parler calmement.
Ils étaient à près de deux kilomètres, peut-être plus. Combien étaient-ils ? Peut-être deux cents, peut-être plus. Armés de mousquets mais sans artillerie.
— Très bien. Retournez les surveiller.
Il revint vers le colonel Baum en ayant l’étrange sensation que la surface de la route avait changé, comme s’il marchait sur du coton.
Avec précipitation mais efficacité, ils creusèrent des tranchées peu profondes et érigèrent des barricades de troncs d’arbres. Les canons furent hissés sur la colline et pointés vers la route. Naturellement, les rebelles n’empruntèrent pas cette dernière et les assaillirent de tous côtés.
La première vague comptait peut-être deux cents hommes. Comme ils couraient dans le dense sous-bois, ils étaient impossibles à dénombrer. William faisait feu dès qu’il percevait un mouvement, sans grand espoir d’atteindre sa cible. La vague hésita, mais un moment seulement.
Une voix puissante s’éleva de quelque part derrière le front des rebelles :
— On les prend maintenant ou Molly Stark sera veuve ce soir !
Cette exhortation incongrue fit son effet car, aussitôt, une quantité d’hommes jaillirent de derrière les arbres et fondirent sur les canons. Les servants prirent leurs jambes à leur cou, comme bon nombre de leurs camarades.
Les rebelles ne firent qu’une bouchée des autres. William s’était sombrement résigné à se battre de son mieux avant qu’ils ne l’atteignent quand deux Indiens dévalèrent la pente derrière lui, l’attrapèrent sous les aisselles, le propulsèrent debout et l’entraînèrent dans leur fuite.
Ce fut ainsi que le lieutenant Ellesmere se retrouva une fois de plus dans le rôle de Cassandre, chargé d’expliquer la débâcle de Bennington au général Burgoyne. Des hommestués, d’autres blessés, des pièces d’artillerie tombées aux mains de l’ennemi et pas l’ombre d’une vache.
En retournant lentement à sa tente, il songea avec lassitude : Et je n’ai toujours pas tué un seul rebelle ! Il ne savait s’il devait le regretter.
19
Le jeu du déserteur, deuxième round
Jamie se lavait dans la rivière, frottant la crasse et la sueur, quand il entendit d’étonnants jurons en français. Si les mots étaient français, les sentiments exprimés ne l’étaient pas. Intrigué, il sortit de l’eau, se rhabilla et longea la berge jusqu’à ce qu’il découvre un jeune homme gesticulant comme un beau diable dans une tentative désespérée de se faire comprendre d’un groupe d’ouvriers perplexes. La moitié d’entre eux étaient allemands et l’autre constituée d’Américains de Virginie. Jusqu’à présent, ses efforts pour communiquer avec eux n’étaient parvenus qu’à les divertir.
Jamie se présenta et offrit ses services d’interprète. C’est ainsi qu’il prit l’habitude de retrouver tous les jours le jeune ingénieur polonais dont le nom imprononçable avait rapidement été abrégé en « Kos ».
Il trouvait Kos à la fois intelligent et d’un enthousiasme désarmant. En outre, Jamie s’intéressait aux fortifications que Kościuszko (il s’enorgueillissait de pouvoir le prononcer correctement) était en train de construire. De son côté, Kos lui était reconnaissant pour son aide linguistique ainsi que pour ses observations et suggestions – que Jamie pouvait lui apporter en grande partie grâce à ses conversations avec Brianna.
Parler de vecteurs et de charges lui rappelait cruellement l’absence de sa fille mais la rapprochait également de lui. Il se mit à passer de plus en plus de temps avec le jeune Polonais, apprenant desbribes de sa langue et permettant à Kos de pratiquer ce qu’il croyait être de l’anglais.
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