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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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son dos et sa baïonnette à la main. Il regarda par-dessus son épaule et cria :
    — Tirailleur, derrière toi !
    Jamie ne se retourna pas mais plongea de tout son long sur le côté, atterrissant sur les feuilles et la terre battue. Plusieurs corps roulèrent sur lui dans une confusion de grognements et s’écrasèrent contre la palissade. Il se remit sur ses pieds lentement, sortit un des pistolets de sa ceinture, l’arma et fit sauter la cervelle du grenadier qui s’apprêtait à lancer une grenade par-dessus le rempart.
    Il y eut encore quelques tirs, des gémissements, des bruits sourds puis, presque d’un coup, la furie du combat se calma. La redoute était jonchée de cadavres, la plupart portant des uniformes verts. Il aperçut la petite jument d’Arnold, l’air terrifiée et boitant. Il n’y avait personne en selle. Arnold était assis par terre un peu plus loin et luttait pour se relever.
    Jamie tenait à peine debout lui-même. Ses genoux tremblaient et sa main droite était paralysée. Il tituba néanmoins jusqu’au général et se laissa choir à ses côtés. Arnold était blessé. Sa jambe était couverte de sang ; son visage était blême et moite ; en état de choc, il semblait avoir du mal à garder les yeux ouverts. Jamie lui saisit la main et l’appela par son nom pour le faire revenir à lui, tout en se traitant de fou. Il auraitdû plutôt planter son couteau dans les côtes de cet homme et lui épargner ainsi qu’à ses futures victimes sa traîtrise. Mais sa décision fut arrêtée avant qu’il n’ait eu le temps de réfléchir. La main d’Arnold se resserra sur la sienne.
    — Où ? murmura-t-il. Où ai-je été touché ?
    — A la jambe, général. Au même endroit que la dernière fois.
    Arnold rouvrit les yeux et le dévisagea.
    — J’aurais préféré que ce soit au cœur, dit-il en les refermant.

25
    Le lit de mort
    Un porte-étendard britannique se présenta au camp peu après la tombée de la nuit, avec un drapeau blanc. Le général Gates l’envoya à notre tente. Le brigadier-général Fraser avait appris la présence de Jamie et souhaitait le voir.
    — Avant qu’il ne soit trop tard, monsieur, ajouta le porte-étendard à voix basse.
    Il était très jeune et semblait bouleversé.
    — Viendrez-vous ?
    Jamie essayait déjà de se lever. Il dut s’y reprendre à deux fois. Il n’était pas blessé, en dehors d’un nombre invraisemblable d’ecchymoses et d’une épaule foulée, mais, après être rentré en chancelant de la bataille, il n’avait même pas eu la force de manger. Je lui avais lavé le visage et donné un verre de bière. Il le tenait toujours, intact.
    — Je viendrai avec ma femme, déclara-t-il en le posant.
    J’allai chercher ma cape et, au cas où, ma sacoche de médecine.
     
    Ma sacoche était superflue. Simon Fraser était étendu sur une longue table dans la salle principale d’une grande maison en rondins. Le jeune porte-étendard nous avait expliqué dans un murmure qu’il s’agissait de la demeure de la baronne von Riedesel. Un seul regard me suffit pour constater que je ne pouvais plus rien pour lui. Son visage large était exsangue à la lueur des bougies et son corps, enveloppé dans des bandagesimbibés de sang. Il y avait aussi du sang frais. Je pouvais voir de nouvelles taches s’étalant lentement, plus sombres que les anciennes dont le sang avait séché.
    Absorbée par le mourant, j’avais à peine remarqué la présence d’autres personnes dans la pièce. Il y avait deux médecins au chevet du malade, maculés de sang et livides de fatigue. L’un d’eux se raidit en m’apercevant. Il plissa les yeux et donna un coup de coude à son confrère qui s’arracha à sa contemplation du brigadier-général Fraser en fronçant les sourcils. Il me dévisagea d’un air neutre puis replongea dans ses méditations.
    Je regardai le premier médecin dans le blanc des yeux mais sans hostilité. Je n’avais pas l’intention d’empiéter sur son territoire. Je ne pouvais rien faire, pas plus qu’eux qui, à en juger par leur état d’épuisement, avaient déjà tout essayé. Le second médecin ne semblait pas avoir encore baissé les bras, ce que je trouvais admirable, mais on ne pouvait se méprendre sur l’odeur de putréfaction qui flottait dans l’air. J’entendais les longues respirations stertoreuses du patient, entre deux silences éprouvants pour les nerfs.
    Je ne pouvais rien en tant que médecin mais

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