Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
remettait mal du dernier accès de cruauté de son pire ennemi. Il aurait dû s’en indigner, or, il pensait moins au meurtrier qu’à sa victime.
    — Sa haine ne lui sert ni d’épée ni d’armure !
    Bressolles sursauta :
    — C’est ce qu’il vous paraît dans votre égarement. L’action lui est interdite, mais il attend, il espère ; il conserve sa foi en des jours de bonheur. Il croit en vous alors que vous doutez de lui !… Et puis…
    — Vous allez me dire, sans doute, que c’est la volonté divine et qu’il est sûr, au moins, d’aller en Paradis !
    Bressolles grimaça de contrariété :
    — Qui sait s’il croit encore à cette Volonté ! Godefroy est contristé par la mort de Gerbold ? Il y a de quoi ! Il restait sa seule attache avec la vie de naguère après avoir été son seul lien avec vous, puisque c’étaient ses coulons qui lui portaient de vos nouvelles. D’ailleurs, cette mort épouvantable vous afflige pareillement, mais votre jeunesse et votre orgueil ont raison de votre douleur.
    Ogier leva les mains pour protester. Orgueilleux, lui ?
    —  J’observe Godefroy, continua Bressolles, impassible. Je l’observe autant que vous sans doute, et je peux vous dire que votre retour a réchauffé son sang. Vous le croyez faible et même couard ? Eh bien, s’il devient ainsi, c’est parce que vous êtes présent non plus en tant que jouvenceau, mais en tant qu’homme. Il se sent épié, jaugé par vous avec un soupçon de pitié, de bienveillance charitable, mais rarement absous, car c’est le fait des jeunes de prendre les aînés pour des incapables ou des impotents !… Mais soyez juste au nom de votre amour filial ! Dites-vous que Godefroy, cinq ans durant, a fait front sans vous et sans moyens à cet ennemi dont vous connaissez enfin la cruauté incroyable ! Dites-vous qu’avec sa vergogne, ses terreurs – non pour lui mais pour votre mère, votre sœur et leurs serviteurs –, ses doutes, ses désespoirs de se sentir devenir malgré lui ce que vous lui reprochez d’être maintenant, il a préservé, de votre héritage, ces pierres où vous vous sentez à l’abri à défaut de vous y sentir en famille !
    Ogier voulut protester, Bressolles, sèchement, l’en empêcha :
    — Essayez de traiter Godefroy non plus en père mais en guerrier dont le savoir et l’expérience vous sont précieux. C’est le bon moyen de restaurer sa dignité, donc de chauffer ce sang que vous trouvez froidi !
    Ogier écrasa sur sa joue une goutte importune. Bressolles, qui ne s’émouvait jamais, posa une main ferme – une main d’homme dur comme pierre sur son épaule.
    — Pardonnez-moi. Il fallait que je vous parle ainsi. Je comprends votre déconvenue : vous avez admiré un preux, vous voudriez le retrouver tel que dans votre jeunesse prime…
    — Non, Girbert !… Ce n’est pas cela… Bien sûr, lorsque je l’ai revu comme il est, mon cœur s’est trouvé… estoqué… écorché… Je ne sais comment vous dire… J’étais desbareté [197] . Je veux tout faire pour qu’il vive longtemps hors de sa diffame [198] et dans la dignité… Justement ! Mais il y a dans les sentiments que ce vieillissement m’inspire, quelque chose contre quoi je ne peux me préserver, peut-être parce que je suis jeune et bien portant… C’est un émoi désagréable… Quand mes regards touchent ses mains maigres, un peu tremblantes ; quand je vois son visage flétri et ses yeux constamment tristes, et devine que sa confiance en lui et son espérance en des jours meilleurs sont aussi élimées que les habits de huron dont il se couvre…
    — Il n’attend de vous ni pitié ni admiration ni adoration, mais compréhension.
    — Je sais. Je crains parfois d’être enclin à le méjuger, à le dédaigner pour cette résignation indigne du grand seigneur qu’il était.
    — Oh !
    La stupéfaction sinon l’improbation du maçon n’ébahit point Ogier. Il s’y attendait. Cependant, en présence de l’espèce de saint qu’était pour lui Bressolles, il se sentait comme toujours condamné à la droiture, sans compassion pour lui-même et sans prudence particulière :
    — J’essaie d’être sincère et deviens félonneux. Je vous horrifie, Girbert !
    Le maçon secoua tristement la tête :
    — C’est votre dédaigner qui me heurte. Car, Ogier, vous ne pouvez être capable de mépris qu’envers vos adversaires : Blainville, les Goddons et les traîtres… Et

Weitere Kostenlose Bücher