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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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contraire, que je ne l’aime pas comme une écervelée, mais avec bon sens… Je sais pourquoi j’en suis amourée. Parce qu’il peut me rendre heureuse… en tout.
    — Il t’a…
    Incapable d’achever, Ogier se sentit rougir :
    — Pardonne-moi. J’abuse et je le sais…
    Un sourire furtif et tremblé incurva les lèvres d’Aude tandis que, poings aux hanches, elle dodinait de la tête :
    — Est-ce à cause de sa naissance rustique ? Est-ce parce que je lui inspire un respect plus fort que son appétition ? Il ne m’accole pas au sens où tu l’entends.
    — Mais tu lui céderais pour peu…
    — Qu’il m’y incite ?… Permets-moi là-dessus, mon frère, de tirer les courtines !
    Ogier s’aperçut qu’au lieu d’être intimidée, Aude prenait sur lui un certain ascendant. Elle le dominait comme Tancrède l’avait parfois dominé. Ou à peu près… Ah ! pourquoi avait-il provoqué cette explication ? Parce qu’il tenait au maintien de leur race ? Était-il à blâmer si cette malheureuse lui faisait l’effet d’une richesse en péril ? Elle était une Argouges !
    « Je deviens fou, se reprocha-t-il. J’entretiens en moi des sentiments de prud’homme alors que je suis plus bas qu’un huron ! »
    Aude rit ; un rire léger imprégné d’assurance :
    — Que t’importe tout cela. Tu n’es pas Père !… Il approuve mon choix, sache-le.
    « Parce qu’il est faible », se dit Ogier. Non ! il aurait dû penser : « Parce qu’il est bon. »
    Le visage de sa sœur avait changé. Plus de moquerie, d’insolence. Une sorte de componction ou de tendresse l’animait.
    — Après tout, si tu voulais épouser cette Adelis que je préfère à Guillemette, je n’y verrais nulle objection… quoiqu’elle ait quatre ou cinq ans de plus que toi… Et je crois bien que Père serait aussi volontiers consentant, pour toi et elle, qu’il l’est pour moi et Thierry.
    Voilà où ils en étaient arrivés ! Adelis !… Dire qu’il l’évitait, justement, par crainte des médisances… ce dont peut-être elle lui tenait rigueur.
    — Ma sœur, tu ne sais plus ce que tu dis !
    Et pourtant, Aude se révélait, ce matin, plus subtile qu’il ne l’avait imaginée.
    — Je tiens Adelis en estime. N’imagine pas que je la tiens ou l’ai tenue dans mes bras.
    Ce tête-à-tête devenait absurde. S’il s’insurgeait qu’Aude, en s’engouant pour Thierry, eût choisi la dérogeance, celle-ci pour lui complaire et avoir son assentiment, lui lançait Adelis au visage !… Mais fallait-il qu’elle eût changé, Adelis, pour qu’Aude se fût leurrée sur son compte !
    Il se retint de rire et d’ajouter : « Ribauder quelque temps, oui, j’en meurs d’envie ; mais l’épouser ! » Il se tut : il ne pouvait même plaisamment rejeter Adelis dans cette fange d’où elle s’était dépêtrée grâce à lui.
    — Pense, ma sœur, à tous ceux qui nous ont devancés… Eh oui, à nos aves [204] . Tu peux t’enroturer, puisque tu as l’agrément de notre père. Je n’en ferai jamais autant… Et après tout, si tu es heureuse, tant mieux !… Thierry, s’il se bat bien, deviendra chevalier : il montera. Toi, tu te seras abaissée. Vous serez ainsi à égalité, de sorte que le mal ne sera pas bien grand.
    Aude ricana. Il crut entendre le rire de Tancrède.
    — Le mal  ! L’état où nous sommes depuis cinq ans m’a souvent fait penser à ce rang auquel tu parais plus accroché que notre père. Un soir, tu m’as parlé des joutes de jadis… J’ai vu céans les grands hommes et les gentilfames du Cotentin et d’ailleurs… Et bien qu’étant jeunette, je me suis dit – avec raison, crois-moi – que certains d’entre eux et certaines d’entre elles, pour le cœur, n’égalaient pas les derniers de nos palefreniers et de nos meschines [205] . Alors, mon frère, épargne-moi tes homélies… Ton orgueil ne fait qu’affermir mes intentions.
    L’orgueil encore ! Ogier faillit se courroucer mais des éclats de voix provenant de la grand-salle révélèrent, soudain, une dispute entre quelques servantes.
    — Mais cessez donc, bêtasses que vous êtes ! criait Madeleine Gosselin.
    Guillemette enrageait :
    — Il est à moi !… À moi !
    — Il est à celles qu’il choisit ! répliqua Isaure. Oh ! la la, en voilà une possesseuse !
    — Il n’est pas ton époux, ricana Bertine. La voilà qui se croit bien née !
    Il y eut des coups, des

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