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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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rouge de même qu’à la chute d’eau. Jamais peut-être comme en cette aube embellie d’incarnat et de vapeurs légères, sous la feuillée, Adelis n’avait été aussi essentiellement réelle, aussi épurée des avilissements passés, aussi troublante. Et maintenant, le désir d’une étreinte le reprenait. Et ce désir, il était si près d’elle qu’il le vit réfléchi dans ses yeux, désir bleu, désir vert sous les longs cils blonds pour une fois immobiles ; désir qui n’était ni brut – comme pour Guillemette –, ni tendre comme autrefois pour Anne, ni quelque peu pervers comme pour Tancrède. Adelis captait ce qu’il y avait de voluptueux en son être tout en l’effarouchant un peu. À défaut d’être son épouse. « Holà, Aude, qu’allais-tu chercher ! » – elle eût pu être son miroir et sans doute aussi son repos.
    — Jamais, dit-elle.
    Le mot lui parut immense, froid et insupportable. Il n’eut pas à demander : « Pourquoi ? » Adelis s’éloignait levant en l’air Titus comme une flamme grise.
    La querelle des femmes s’achevait. Mettant son pourpoint et bouclant sa ceinture, Ogier soupira :
    — L’impertinente.
    Il était furieux d’avoir été vaincu sans pouvoir assurer sa défense.
    « Une donneuse de conseils !… Et ça joue les pucelles !… Si je m’attendais… Qu’ai-je fait au Ciel pour être ainsi rebuté ?… Bressolles… Aude… Et voilà qu’Adelis à son tour me sermonne ! »
    Il vit passer Guillemette. Elle courait, le visage rouge. Isaure s’avança sur le seuil du logis pour descendre le perron. Un bras l’empoigna et la rejeta dans l’ombre. Il y eut des éclats de voix de moins en moins violents et, avec une averse soudaine, douce et légère, – inopinée –, le silence parut tomber des nuages.
     
    *
     
    Le lendemain, à son réveil, Ogier se sentit les épaules douloureuses et les reins lourds. Adelis avait raison : au lieu de préserver ses forces dans l’inaction, il les avait engourdies. S’approchant d’une archère, il lança un regard à la jetée. Était-ce à cause de son humeur ou parce qu’il en avait tiré Gerbold ? La douve, ou plutôt son eau grise, immobile, lui répugna.
    Traversant la pièce, il alla se pencher à la fenêtre. La tristesse de la cour aggrava son mésaise. Il bâilla, s’étira sous l’œil surpris de Saladin et de Péronne encore engourdis de sommeil.
    Vivre ! Sortir de ces murs selon son bon plaisir, sans crainte d’être percé d’un trait. Agir ! Non pas lors d’un fragment de jour ou de nuit, en se gardant de toutes parts, mais dans la plénitude des muscles et de l’esprit… Échapper aux relents de la male chance, dont il ne savait plus s’ils suintaient du ciel, du sol ou des murailles. Ce bonheur impliquait le trépas de Blainville.
    Il avait l’automne et l’hiver devant lui. Il était temps qu’il se remît au maniement d’armes et que Marchegai eût sa part d’ouvrage. Dans cette cour, il lui donnerait l’illusion de l’espace… Et Thierry ! Il fallait lui aussi qu’il fût apte au combat… Pour le moment, il sommeillait, les lèvres entre-closes…
    Ogier secoua l’écuyer si énergiquement qu’il éveilla Bressolles :
    — Allons, gars, debout !… À partir de ce matin tout va changer. De l’aube à midi, nous nous exerciserons quel que soit le temps. Nous préparerons aussi nos chevaux… Il nous faut estriver [208] l’un contre l’autre pour vaincre à Chauvigny. Nous y cueillerons la Fleur de la Chevalerie !
    — Je veux bien, mais…
    — Si je ne suis content ni de toi ni de moi, ni des chevaux, nous recommencerons dans la journée… Un jour, la lance et l’épée ; le lendemain la masse et la hache…
    Champartel étouffa un bâillement et mit un pied hors du lit :
    — À ces préparatifs, on brisera nos lances.
    — Il y a du frêne bien droit dans les haies. Nous irons en tailler autant qu’il en faudra.
     
    *
     
    Vêtus de vieux hauberts capitonnés au-dedans de coton, de filasse et de peaux de bêtes, ils s’affrontèrent, ébranlant et bleuissant leur corps sous les coups, se grisant de voir chanceler l’autre, grognant, saignant parfois sans gémir ni demander merci tandis qu’au grand plaisir d’Ogier, Godefroy d’Argouges, revigoré par ces pratiques, accompagnait les heurts de ses conseils :
    — Ploie-toi davantage, Thierry !… Ogier, tu te découvres trop… Ne vous plaignez jamais d’être las et

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