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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dilection et réconfort. Ils se complétaient pour devenir une même joie, une même passion, une même vibration qui s’acheva pour Adelis en une longue plainte étonnée.
    Longtemps, ils demeurèrent muets, immobiles. Confuse, les yeux brillants, la bouche indécise, Adelis regardait le ciel. Une perle roulait de son œil à sa joue.
    Ogier la contemplait appuyé sur un coude. Il eût voulu accomplir d’autres gestes, s’épuiser dans des fièvres et naufrages, mais elle refusa pour demeurer sur cette fin, cette faiblesse et cet état de grâce. Il devina qu’elle s’était réconciliée avec son corps, avec son âme, et que sa répulsion et son mépris des hommes finiraient peu à peu par s’éteindre. Elle avait cessé d’être damnée, et s’il lui advenait, plus tard, d’évoquer le monde d’où il l’avait aidée à s’évader par deux fois – naguère par la pitié, cette nuitée par la tendresse –, elle trouverait en son corps même, en la fierté peut-être d’être ce qu’elle était désormais, la force d’en repousser les ombres.
    Ogier ne bougeait toujours pas, solidement serré contre ce corps doux dont le souffle s’alentissait. Et comme un mamelon touchait sa poitrine, d’une paume creuse, il épousa le sein tout entier.
    — Comme votre cœur bat !
    Il ne pouvait que vouvoyer Adelis. Au reste, il n’avait plus rien à lui dire.
    — Je suis bien… Non… Ne bougez pas.
    Sa voix prenait une pureté, une expression doucereuse. Elle assimilait l’ébahissement de sa résurrection en même temps qu’un sentiment neuf, inconnu, l’envahissait : la douceur.
    — Il faut partir, m’amie, sinon le jour se lèvera et nous pourrions être à la merci de ces hommes… De plus, c’est ce matin que nous nous en allons.
    Elle l’étreignit si fort qu’il en suffoqua.
    — Pardonnez-moi, dit-il, si je n’ai pas pu résister… Vous êtes si belle… si…
    Elle se dénoua de lui, se tourna sur le ventre, et il vit, désolé, son dos courbe secoué de gros sanglots.
    — Ne pleurez pas !… J’aurais voulu… Oh ! oui, j’aurais voulu…
    Il balbutiait, ne sachant plus ce qu’il eût voulu.
    — Nous mettre nus ainsi, c’était tenter le diable… Elle se retourna brusquement, impudique et chaste à la fois, sous la protection de ses mains si petites qu’elles en restaient indiscrètes. Il l’étreignit encore et but ses larmes. Elle se dégagea de nouveau mais à peine :
    — Vous vous abusez, Ogier… Je ne suis pas chagrine… Je suis heureuse… Entre nous, cela devait commencer et finir ainsi.
    Finir… Serait-ce définitif ? Pour cette nuit si belle, il n’y voulait penser. Leurs sourires se touchèrent.
    — Tu ne souffriras plus.
    Il l’avait tutoyée pour la première fois. Et la dernière.
     
    *
     
    L’horizon se teintait de sang vif. Une demi-lieue, et ils parviendraient à Gratot. Comme à l’aller, ils avaient marché en silence, mais en se donnant la main.
    — Comment en étiez-vous arrivée là, Adelis ?
    Cette question posée, Ogier prévint sa compagne :
    — Ne me confiez rien si cela vous coûte… mais dites-moi au moins pourquoi vous m’avez proposé ce nom de Fenouillet.
    En évitant de se tourner vers elle, sachant qu’ainsi, il lui donnerait plus d’audace, il regardait, devant eux, déchiquetées sur le ciel béant, dépourvu d’étoiles, les grandes ombres des arbres ; il sentait, entre ses orteils, tandis qu’il foulait le sol herbu et mou, l’agaçant picotement du sable. Comme Adelis se taisait, hésitant ou répugnant à répondre, il ajouta :
    — … et pourquoi, quand j’ai eu l’intention d’avoir un écu complètement noir, en signe de désespérance, vous m’avez demandé d’y ajouter un canton d’or… Ces armes existent-elles ?… Ont-elles existé ?
    Cette fois, Adelis sourit :
    — Je ne vous vois pas bien en chevalier aventureux. Il vous faut des armes qui existent ou ont existé pour que les juges de Chauvigny vous fassent bon accueil.
    — Mais encore, m’amie, ce nom de Fenouillet qui me plaît plus qu’Ansignan ?
    Après avoir pris leur élan, ils sautèrent par-dessus un tronc abattu. Quelques pas après, Adelis rejeta les soucis qui la rendaient pensive :
    — Le Fenouillet est un petit pays de la Langue d’Oc, près de Carcassonne… Les armes que vous porterez doivent figurer dans des livres armoriaux, bien que les Ansignan aient tous été occis… Mais tout d’abord, quel âge

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