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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’embua de rose. Fiancée ? Mariée ? Si elle avait été l’épouse de quelque seigneur du voisinage, elle eût menacé le Charlot d’une vengeance immédiate. Or, elle n’avait parlé que de son oncle.
    Ogier perçut, dans le froncement des sourcils épilés, une poussée de mécontentement.
    — Si je les accuse de l’occision de trois serviteurs de Morthemer, aux gens d’armes et même aux princes, barons, hérauts et juges présents à Chauvigny, ils prétendront qu’ils nous ont agressés parce que nous aidions Jeanne de Clisson.
    — Mais puisque vous leur avez dit que vous ignoriez que c’était elle ! dit Ogier. Puisqu’ils ne peuvent, eux, apporter la moindre preuve à ce qu’ils prétendent…
    Il omit volontairement d’ajouter qu’il croyait, lui, les dires de ces Bretons, et que s’il flétrissait leur férocité, il comprenait leur courroux : les Charlots devaient haïr cette guerrière autant qu’ils haïssaient Jeanne de Montfort. Sourde, apparemment, à sa réplique, l’inconnue poursuivit :
    — Il vaut mieux, si je les vois et reconnais, que je feigne de ne jamais les avoir rencontrés… Et puis qui sait ? J’aurai peut-être un bon moyen de les réduire au silence.
    Ogier s’abstint de dire un mot, bien qu’une telle disposition d’esprit le surprît. Car enfin, cette fille avait failli trépasser !… À quel moyen faisait-elle allusion ? Il fallait qu’il fût de taille pour pouvoir dompter ces rustiques.
    — Comment, demanda Champartel, vous a semblé cette Clisson ?
    Ogier s’attendit à une dénégation du genre : « Comment saurais-je si c’était elle ? » Or, la jouvencelle recouvra cette sérénité un peu âpre où se révélait, sans doute, sa véritable nature :
    — Elle est belle et brune ; elle portait une robe noire. Elle regardait les champs, les arbres, les buissons non pas dans la crainte d’une embûche mais avec douceur et joie… comme elle eût retrouvé des êtres bien-aimés.
    Voix suave, pleine de commisération. Mécontent, Ogier s’approcha de la fosse. D’un coup de pied, il y précipita la bêche :
    — On dit que cette femme a visage d’ange et cœur de diablesse. Si vous la revoyez, défiez-vous d’elle. Quant à nous, nous vous sommes acquis. Je me nomme Ogier… de Fenouillet. Voici ma sœur Adelis ; mon écuyer, Thierry, et mon sergent Raymond.
    — Je m’appelle Isabelle et suis la nièce du baron de Morthemer.
    Différant l’instant de les sonder, Ogier ne fit qu’effleurer du regard ces yeux sûrement gris, vernis aux flammes de la torche, pour entrevoir ce cou, cette poitrine haletante, ces hanches dures. À la grâce de ce corps parfait, impudiquement révélé par la robe mouillée, s’ajoutait une hardiesse surprenante : dominant sa frayeur d’être occise après avoir subi leurs sévices, cette donzelle avait su résister aux Bretons. Les chemins devenant dangereux dès la tombée du jour, il fut tenté de lui demander pourquoi elle revenait si tardivement à Morthemer ; il dut y renoncer en voyant Champartel et Raymond amener les chevaux.
    Il enfourcha Marchegai, et Thierry aida la jeune fille à se jucher en croupe.
    — Allons chez mon oncle. Vous y serez les très bienvenus.
    Ogier entrevit deux belles jambes contre la cuisse de l’étalon.
    « Adelis est plus vergogneuse que cette Isabelle ! Bonne à prendre, sans doute, mais pas à la façon des Bretons ! »
    Des mains se joignirent sur sa poitrine ; des ongles s’incrustèrent dans le tissu de son pourpoint, si fortement qu’il comprit que sous sa quiétude affectée, la jouvencelle restait anxieuse. Il jeta son flambeau :
    — Saladin nous devance. Il flaire les périls.
    Derrière, une épée tinta ; Raymond jura et Adelis tenta de l’apaiser.
    Ils avancèrent, l’échine courbée, aspergés de brume froide et fouaillés quelquefois par les lanières d’eau qu’un coup de vent durcissait. De temps en temps, un cheval s’engluait, trouvait une prise et s’arrachait à la glèbe. Dans le ciel en charpie, la lune paraissait flotter.
    — Est-ce loin, Morthemer ?
    Ogier devina un sein rondelet dans son dos. Fille ? Femme ? Comblée ou dépourvue d’amour ?… L’amour ! Pourquoi pensait-il à ses douceurs en cette nuit de violence ? Tout ce que la nature pouvait sécréter de mauvais – le vent, la pluie, le froid – l’accablait. Cependant, il était chanceux : les jolis bras d’Isabelle le ceinturaient. À

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