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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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austère, une des tapisseries du clotet. Elle représentait la poursuite d’une unicorne dans une futaie défeuillée ; et cette forêt de tissu – du cariset [249] sans doute –, paraissait tellement vraie qu’on eût pu craindre qu’elle ne s’embrasât si quelque flammèche en touchait une branche. Penchées contre le mur, Ogier aperçut deux béquilles.
    — Je suis votre obligé, messire, dès ce soir.
    — Bien, l’ami. Je préfère vous conjouir, vous et vos gens, que…
    Un courant d’air excita la frénésie du feu dont le grand buisson d’or couvrait le tronc vermeil, rendant plus insolite encore la fixité de ce seigneur à figure de pierre.
    — … que quelques grands seigneurs qu’il me faut héberger par aisement [250] , mais sans plaisir, bien que j’aie combattu à leurs côtés… Ils partiront demain pour Chauvigny où les prud’hommes et l’évêque leur feront bon accueil. Ils sont, ma nièce, arrivés comme l’an passé – à la nuit – et m’ont quitté peu de temps avant que tu n’arrives. Peut-être les as-tu entrevus dans la cour.
    « Qui sont ces gens ? » se demanda Ogier tandis qu’Isabelle questionnait :
    — D’où viennent-ils ?
    — D’Agen, je crois… Mais ils ont parlé d’Aiguillon, dont le siège est commencé. Ils ne savent encore si Jean de Normandie, qui commande là-bas, pourra venir à Chauvigny.
    — Il faudrait qu’il se hâte ! Nous sommes mercredi, la joute a lieu dimanche et le tournoi lundi… Aiguillon est à quelque soixante lieues d’où nous sommes.
    — Eh bien, chuchota Thierry, elle a le sens des distances !
    En chemin, dans une auberge, un chevaucheur leur avait appris que le duc Jean avait quitté Toulouse pour aller conquérir Angoulême. Il avait dû changer d’avis.
    — Est-ce tout ce que vous savez, mon oncle ?
    Ogier s’étonna d’une pareille insistance : la guerre était affaire d’hommes. Qu’importait aux femmes qu’un siège fût entrepris et qu’il durât ou non, si elles vivaient hors de la cité convoitée !
    — C’est tout ce que je sais. Aiguillon est défendu par un fier capitaine : Gauthier de Masny [251] .
    — Et nos hôtes, mon oncle ? Dormiront-ils en ce donjon ?
    — Non : ils préfèrent coucher dans le logis, près des écuries, de façon à surveiller leurs hommes. Ils n’ont pas oublié – ni moi ! – que l’an dernier, ils m’ont violé deux servantes… Ils ont mangé avec moi… sans courtoisie… Ils se sont à peine étonnés de me trouver en cet état… Tiens, les voilà… Sans doute viennent-ils me souhaiter la bonne nuit… et voir les gens que tu m’amènes…
    Isabelle passa une main tremblante dans ses cheveux tout en regardant le seuil de la grand-salle. Soudain, consciente que sa robe gorgée d’eau la dénudait presque, elle se saisit de la pelisse de son oncle et s’en couvrit.
    Deux hommes s’avançaient. Faces glabres, cheveux mi-longs, bouche large, front bas ; prunelles pâles. Sa méfiance éveillée, Ogier se dit que l’influence de personnages de cette espèce, quelque pernicieuse qu’il la pressentît, ne pouvait s’exercer sur un chevalier tel que Guy de Morthemer, même immobilisé par il ne savait quoi sur son siège au dossier immense, ouvragé en quintefeuilles. Ils saluèrent Isabelle avec tant de sécheresse qu’il crut avoir affaire à des inquisiteurs, à moins qu’il n’eût devant lui un couple de sodomites ; et si leurs manteaux noirs, humides, leur donnaient une religieuse apparence, leurs épées, gainées de cuir safrané, témoignaient qu’ils étaient gens de guerre.
    Ogier, qui s’était senti effleuré d’un coup d’œil distrait, vit avec plaisir Raymond s’insinuer entre Thierry et lui.
    « En l’état où nous sommes, ils nous prennent pour des hurons ! »
    Cependant ils s’inclinèrent tandis que Guy de Morthemer se livrait aux présentations d’une voix lasse, maussade :
    — Le comte Charles d’Alençon, frère de notre bien-aimé suzerain [252] et messire Charles de la Cerda, qu’on appelle aussi Charles d’Espagne.
    « Le grand ami, et plus encore [253] du duc de Normandie ! »
    — Ogier d’Ansignan… en Fenouillet, messires.
    — Ah ! Ah !… Fenouillet : un nom de notre belle Langue d’Oc. Et vous êtes ici, comme nous, pour fournir des courses aux joutes de Chauvigny ?
    — Oui, monseigneur, si les juges m’y agréent.
    — Ils vous y admettront !… J’ose espérer que

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