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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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quoi bon altérer ce singulier plaisir pour exhorter ses compagnons au courage : il connaissait leur volonté, leurs ressources. Et voilà qu’elle s’appuyait résolument contre lui !
    Ils cheminèrent longtemps, prudemment, en silence, embarrassés du poids de l’eau qui, sans trêve, rare ou drue, les agaçait de ses onctions.
    Puis la forêt se clairsema ; le chemin s’encastra entre deux collines.
    — Je n’oublierai jamais que vous m’avez sauvée, messire… Et voyez : nous voilà rendus chez mon oncle : Guy Sénéchal.
    Droit devant, au sommet d’une motte, un donjon se dressait, puissant et noir. Il y avait quelque chose d’irréel et de redoutable à la fois dans le jaillissement de ce colosse ténébreux.
    — … et si vous entrez en lice, j’aimerais que vous y portiez mes couleurs…
    Ogier sentit son sang chauffer ses joues :
    — Ce serait un grand honneur pour moi, damoiselle… Nous en reparlerons… Pardonnez-moi si je n’ose encore me prononcer…
    Serrant les rênes, il encouragea Marchegai sur la pente d’accès, rocailleuse et glissante, où Saladin les précédait. Se détournant un peu, il aperçut les luisances d’une rivière, et regardant de nouveau en avant, il vit un clocher, des murailles. Aucun fossé mais une voûte à deux portails, sous une bretèche massive.
    — Annonce-nous, Thierry.
    Le cor de Champartel émit une plainte brève.
    — Qui va là ? hurla une voix.
    — Ouvre, Lucas ! cria Isabelle.
    Un silence imprégné d’incrédulité ; puis :
    — Voilà, damoiselle… Mais nous ne vous attendions que demain !
    Révélant des allées et venues précipitées, des rumeurs filtrèrent à travers les vantaux. Cloué sur sa selle, Ogier attendit : on débarrait.
    Enfin les deux huis vernis de pluie s’ouvrirent et un homme apparut. Il était vieux, enveloppé dans un paletoc dont les pans touchaient le sol.
    — Que s’est-il passé que vous nous reveniez ainsi et par ce temps ?
    Ogier sentit se dénouer l’étreinte d’Isabelle. Le portier indiscret et bourru attrapa la jouvencelle aux hanches et la déposa sur le sol tandis que Saladin s’engageait sous l’arche éclairée par un pharillon. Sitôt qu’il l’eut franchie, le chien, méfiant, s’arrêta puis s’ébroua.
    — Entrons, les amis !
    Dans la cour, Ogier dénombra dix hommes. L’un d’eux, couvert d’un manteau de peaux d’ours, demanda :
    — Où sont les soudoyers et la litière ?
    — Yvon, Gobin et Bastien sont mats. On nous a assaillis. La basterne est près d’eux, entre Morthemer et Saint-Martin. Il faudra qu’on aille les chercher.
    Aussitôt, les compagnons de ce gars de vingt ans s’indignèrent sans qu’Isabelle parût sensible à leurs imprécations. L’un d’eux demanda :
    — Qui vous a tendu cette embûche ?
    — Si seulement je le savais…
    Contrarié par cette réponse, Ogier échangea un regard avec Thierry. Elle savait. Pourquoi se taisait-elle ? Mécontent, le garçon aux peaux d’ours fit un pas :
    — Vous ne deviez revenir que demain.
    — J’avais hâte de retrouver mon oncle et ma tante… Laisse-moi en paix, Raoul !
    — Serez-vous reine ?
    — Que t’importe !
    « Reine de quoi ? songea Ogier. Des joutes et du tournoi, évidemment. »
    Dans cette nuit de mouvements, de cris, d’aventures, la familiarité de ces deux êtres, l’un – Isabelle – dominant l’autre, ébranlait son esprit avec la sécheresse d’un coup violent, douloureux. L’insolence mesurée du sergent le mettait mal à l’aise ; car c’était un homme d’armes : les mailles de son haubergeon, inutile en l’occurrence, luisaient dans l’échancrure des pelages noirs. Il avait toujours les bras croisés, les mains enfouies dans ses manches.
    — Qui sont ces gens ?
    — Je leur dois d’être en vie. Mais c’est à mon oncle de m’interroger.
    Réponse agacée, dédaigneuse, qui replaçait le fâcheux à son rang.
    Thierry mit pied à terre ; Ogier l’imita. Aussitôt, Isabelle fut près de lui et l’entraîna vers le donjon :
    — Si notre rencontre, messire, est la volonté du Tout-Puissant, je ne sais pourquoi il nous a réunis.
    La réponse jaillit tandis que le cœur d’Ogier battait plus fort :
    — Pour que mon épée soit à votre service, dit-il sans trop de présomption.
    Il aperçut un petit attroupement devant ce qui pouvait être des écuries. Il y avait là dix roncins ou plus et autant d’hommes en armes

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