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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aussi bataillarde que lui, surtout à Hennebont !
    Le baron porta une main à son dos.
    — Quand ce nom-là me vient aux lèvres ou à l’esprit, il me semble recevoir encore ce maudit trait… Ah ! la gaupe… Savez-vous comment cela s’est passé ?
    — Non, messire…
    — Nous cernions la cité en laquelle elle s’était enclose avec son fils et de vaillants compagnons…
    Du coin de l’œil, Ogier observa Isabelle : elle avait cessé de manger ; ses prunelles étincelaient : cette évocation l’irritait.
    — Nous savions qu’il y avait là Guillaume de Cadoudal [263] , Yvain de Trésiguidy, d’autres encore dont les noms ne me reviennent pas pour le moment, et Jaquelin de Kergœt, qu’on disait fort épris de Jeanne, encore que certains de nous affirmassent que c’était la Clisson qu’il aimait… Qu’importe ! Si nous les saisissions, la guerre était gagnée…
    Isabelle vida son hanap ; Ogier la trouva tout à coup bien nerveuse.
    — Un espion nous avait dit qu’Amaury de Clisson [264] était parti chercher du secours en Angleterre… Nous, nous venions d’Auray, sous le commandement de Louis d’Espagne. Sitôt qu’elle nous aperçut, Jeanne fit sonner à herle [265] … Il y eut bataille… et bataille, et un soir, cette femelle se couvrit de fer comme un homme. Elle prit trois cents chevaliers et soudoyers avec elle et sortit des murailles… C’était voici quatre ans au mois de mai… Ah ! messires, ces Bretons de malheur mirent le feu aux pavillons et logis des gens de France et des Charlots… Désarroi et mort… Et comme Jeanne et ses suppôts ne pouvaient plus rentrer dans la cité, les voilà galopant vers Auray !… Nous les avons pourchassés, estoquant, taillant les attardés et les blessés… Et il y en avait !… C’est alors que des archers embusqués nous bersèrent [266] et qu’un de leurs traits m’étendit roide…
    — Mon oncle, murmura Isabelle, pâle et agacée, abstenez-vous de parler de cela !
    Ogier trouva cette prière importune, en tout cas dépourvue de commisération.
    — Jeanne de Montfort, Jeanne de Clisson, Jeanne de Penthièvre ! remarqua Thierry. Que de Jeannes !… Les temps doivent changer puisque les femmes préfèrent l’épée à la quenouille !
    Ogier se rappela les appétits guerriers de Tancrède. En quels lieux se trouvait-elle ?
    — … et c’est alors que ceux d’Hennebont ont vu paraître les voiles anglaises dans l’estuaire du Blavet…
    Il y avait au moins dix mille archers sur ces nefs qu’Amaury de Clisson et Gauthier de Masny amenaient ! Nous nous sommes repliés deux jours après, moi dans cette litière même où ma nièce vient d’être assaillie…
    Mécontentant davantage Isabelle, le baron évoqua le traître Robert d’Artois, tué à Vannes, peu après la prouesse de Jeanne de Montfort, puis le duc de Normandie arrivant en retard sur les champs de bataille. Il vitupéra la trêve de Malestroit [267] obtenue par les légats du Pape.
    — Elle n’a rien achevé : les Bretons s’entre-tuent toujours !
    Et repu de mots et de souvenirs, Guy de Morthemer s’absorba dans l’examen de Saladin, à l’écart de ses lévriers :
    — J’avais une chienne de cette espèce. Elle a disparu et je me suis senti bien seul.
    C’était faire peu de cas de son épouse. Et de sa nièce. Celle-ci souriait en regardant Ogier, lequel se sentit projeté une fois de plus hors de l’univers ténébreux et liquide où leurs vies s’étaient croisées. Puis les réalités de nouveau l’assaillirent :
    — Votre nièce, messire, m’a parlé de Blainville…
    Le baron hocha la tête :
    — Blainville !
    La voix soudain baissée ne fut plus qu’un murmure :
    — Sachez qu’envers les ambitieux de son espèce, je suis plus précautionneux qu’un renard… Je me demande ce qu’il est venu chercher, cette année, à Chauvigny… Les honneurs ? Il les a… L’argent ? Il le possède… L’an dernier, il voulait Isabelle en mariage…
    De surprise, Ogier faillit lâcher son couteau.
    — Bien sûr, elle et moi avons refusé !
    « La première de ses quatre volontés, c’est que je tue ce démon… Rien que pour une demande dont elle se serait offensée ?… Allons donc ! Pourquoi baisse-t-elle la tête ?… Le regard perdu dans les flammes, à quel royaume songe-t-elle, dont il semble qu’elle ait été exilée ?… Allons, bon, il s’en est fallu de peu que je révèle : «  Blainville

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