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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que la faible clarté ne révélât rien d’elle. Il la distinguait mieux, cependant, confusément grise, lente et comme hésitante.
    Un froissement soyeux. De haut en bas, du clair s’épanouit dans l’ombre : la mince et haute fleur d’une nudité. Le cœur battant, les yeux écarquillés, Ogier distingua les fuseaux déliés des cuisses, la pente incurvée d’une hanche, et déjà le fantôme le rejoignait.
    — Prenez-moi et que cela vous suffise.
    Bien que voilée, murmurante, cette voix reflétait la puissance et l’austérité.
    — Bon sang, dame !… J’aime bien savoir qui je…
    — À quoi bon voir et savoir !
    Il la distinguait mieux : grande, harmonieuse et flexible. Des seins fiers. Il fit un mouvement et sa paume toucha l’un d’eux. Il n’osa plus parler, bouleversé par ce poids de chair ronde, étourdi par cette concupiscence sous laquelle il percevait une tristesse infinie. Il se dressa :
    — Il vous a fallu une hardiesse folle !
    De sorte que cette démarche apparaissait comme la conséquence d’une exigence de l’esprit plutôt qu’une nécessité des sens.
    — Ne m’interroge pas, et fais ce que tu dois…
    Abrégeant cette injonction chuchotée à l’oreille :
    — Tiens, que portes-tu à ce collier de cuir ?
    — Laissez cela.
    Il entrevit une lueur. Souriait-elle ? À qui avait-il affaire ? En quel pétrin allait-il se fourrer ? Cette bouche à présent sur la sienne, immobile et comme morte, exhalait une haleine régulière, bien différente de celle d’une femme en désir de pâmoison.
    — Hâte-toi… Contente-toi, tu me contenteras.
    Elle s’allongea ; il fit de même et sentit sous sa main battre ce cœur de veuve – ou d’esseulée. La flatter avant que de la satisfaire ? Sur le côté de son cou long et mince, la grosse veine palpitait. Dessous, les renflements de la poitrine et du ventre… un grain de peau serré… la maturité languissante… trente ans, sans doute…
    — Tu perds ton temps et le mien m’est compté.
    C’était possible. Afin de mieux imaginer cette orgueilleuse, il toucha le visage invisible. Un front haut et plat, des sourcils ras mais des cils longs ; des paupières légères ; un nez mince et retroussé, un petit grain sur la pommette…
    — Aïe !
    Elle l’avait mordu.
    — Ce n’est rien de cela que j’espère… Que t’importe mon… mon portrait !
    Quelque trouble qu’il eût éprouvé au contact de cette féminité non seulement disponible mais avide, en dépit de ses façons sévères, de tels propos désenchantaient Ogier. Sa main cependant monta, lente, le long du buste, contourna l’épaule, redescendit, à la fois légère, neutre et comme engourdie ; plus bas encore, jusqu’à l’orée d’une intimité moussue d’où elle fut subitement écartée. Aussitôt, l’envie qu’il avait crue dissoute ressuscita, mais dure, élémentaire du fait même de cette éviction soulignée d’un : « Non » hargneux.
    Il se regimba :
    — Je ne vous connais pas… Peu me chaut maintenant qui vous êtes ! Mais laissez-moi faire ou partez !
    Soupir rageur ou gémissement ? Quelles raisons avaient poussé cette insensée jusqu’à lui ? Autre chose que le désir véhément et morose de forniquer en grand-hâte.
    La rebaudir [271] encore et encore ? Il ne s’y sentait plus enclin. Cette étreinte n’avait aucun sens. Surtout après avoir évoqué, faute de trouver le sommeil, ces grandes amours qui peut-être n’existaient que dans ses songes.
    — Eh là ! protesta-t-il.
    Elle venait de l’empoigner ; elle lui enjoignit :
    — Plutôt que de me doreloter, aime-moi !
    Exigence maussade. Il s’y soumit pourtant, étreignant sans émoi ce corps frissonnant de froid, d’impatience, et non de délices en germe. Dame et sûrement noble – son parler dénonçait sa naissance –, elle semblait souffrir du partage dû à sa condition. Peut-être avait-elle les mêmes appétits que ses chambrières ; outre qu’elle les dissimulait par décence ou religiosité, sa dissemblance avec elles consistait à les maîtriser… jusqu’à ce qu’elle commît volontairement un écart, tel celui de cette nuit.
    Elle ne l’étreignait pas. Paisible, résignée, insondable, attentive, elle se sacrifiait. Des cheveux odorants picotaient les joues, les narines d’Ogier ; il sentait sur sa peau les glands de deux seins durs, soulevés, abaissés par un souffle d’ensommeillée. Tant

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