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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à ton écuyer, ne t’en serais-tu pas amouré ?
    — Nenni !… Vous êtes inchangé, Enguerrand : toujours prompt à moquer quiconque a du cœur, par vergogne d’en être dépourvu !
    Et riant, bien que furieux de s’être emporté, Ogier songea : « Moi, amoureux ? » Cela ne se pouvait. À quoi bon s’en expliquer, surtout à Briatexte ? Avant qu’il quittât Morthemer, Isabelle lui avait offert un volet [282] de soie d’or et d’azur en l’invitant à le nouer à sa manche ; il avait doucement refusé : « Pas encore, m’amie. Je ne vous ai rien promis ni juré… Rien ne sert de hâter les choses. » Saisi d’un regret dont l’absurdité le travaillait encore, il l’avait baisée au front. Maintenant, il craignait qu’elle eût pris ce gage de sollicitude pour un consentement tacite mais infrangible.
    Ils chevauchèrent en silence tandis que Chauvigny grandissait devant eux. Saladin les précédait, humant le vent, les herbes, levant la patte, courant, marchant : infatigable. Ce terroir semblait lui plaire. Et pourtant, les forêts y étouffaient les champs.
    Ils étaient passés à proximité de l’endroit où les Bretons avaient entraîné Isabelle et, près de Saint-Martin, ils avaient vu la litière et les corps de ses trois serviteurs occis. Plus de chevaux entre les limons…
    — Il paraît, dit Thierry, qu’Olivier de Clisson est venu tournoyer à Chauvigny, il y a trois ans… donc quelques mois avant sa mort. Et qu’il a si copieusement meshaigné Blainville que celui-ci, saignant de partout, avait juré de se venger.
    — D’où tiens-tu cela, Champartel ?
    — D’un palefrenier du sire de Morthemer.
    — Et où veux-tu en venir ? demanda Briatexte.
    — Ben, je me dis qu’il n’est pas outrancier de penser que Blainville l’a fait attirer à Paris dans ce piège où il est entré tête haute pour en sortir raccourci !
    L’intérêt que Briatexte avait pris à ces propos courrouça Ogier :
    — Clisson, à ce qu’on dit, était un traître… Un homme de votre espèce, Enguerrand. Oh ! rassurez-vous une fois encore : je ne vous nuirai pas… Quant à Blainville, que vous devez connaître, puisqu’il est dans vos alliances, j’ai grand-peur que vous ne lui révéliez qui je suis.
    — Allons, allons, compère !… Et si je haïssais cet homme autant que toi ?
    Vérité ou mensonge ? Le silence devint si serré autour des compagnons qu’ils entendirent l’envol d’un oiseau et le suivirent du regard, sauf Briatexte : il souriait en regardant droit devant lui.
    Soudain, les mots tombèrent dru comme grêle aux oreilles d’Ogier :
    — Clisson m’a sauvé la vie. Sache donc que je l’admirais… Mais comment oses-tu en parler ? Tu n’as jamais mis les pieds en Bretagne !… Clisson était un preux. Avec Hervé de Léon, tout au début de cette affreuse guerre, il avait repris Vannes aux Anglais, Vannes où Robert d’Artois, un vrai traître selon tes idées, fut percé d’un carreau mortel… Tombé au pouvoir d’Édouard, Clisson fut échangé contre Stafford. Le roi d’Angleterre lui-même exigea cet échange… Si Clisson avait été avec lui, dis-toi bien qu’il l’aurait gardé !
    — Qui sait ? dit Thierry. Un traître reconnu n’est plus utile en rien… C’est une bouche et une escarcelle inutiles. À quoi bon s’en encombrer !
    La pertinence de cette observation satisfit Ogier : elle le tirait d’embarras.
    — En tout cas, dit-il, traître ou non, sitôt restitué à Philippe, celui-ci l’a envoyé sur ses terres. Il s’y est mis ou remis à comploter.
    — Qu’en sais-tu ? Comment pourrais-tu savoir ?… Il y a trois ans, au moment de cette affaire, tu étais chez ton oncle Guillaume, à Rechignac !
    — J’étais loin, c’est vrai. Mais ce que j’ai appris, c’est que William de Montagu, comte de Salisbury, captif des gens de France, l’a dénoncé en tombant au pouvoir de Philippe… À Vannes, précisément !… Vengeance de cocu : Édouard avait violé son épouse [283]  !
    Briatexte eut un geste onduleux :
    — Elle est belle… C’est en son honneur qu’Édouard a créé l’Ordre du Bleu Gertier [284] … Quelle qu’ait pu être la fureur de Salisbury en apprenant son infortune, je me refuse à croire qu’il aurait dénoncé des alliés de l’Angleterre pour nuire à son suzerain… Même s’il le haïssait !
    L’ancien compagnon de Robert Knolles fit un très visible effort

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