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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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la salle.
    — Les sept voiles, Hérodiade ! hurla un jouvenceau en brandissant un hanap de la taille d’un ciboire.
    Ogier se sentit troublé pour cette femme. Quarante mâles, au moins, et certains demi-saouls. Tous avides de voir. Deux servantes vergogneuses dont une – Jeannette – plus que l’autre. Hérodiade [314] … Choisir un nom pareil !… Portait-elle des voiles sous cette ample robe serrée par un cordonnet à la taille ? Oui : son décolleté dépassait les limites ; des étoffes légères se croisaient sur ses seins. Sa cuisse longue enflait la futaine élimée.
    Elle sourit, tandis que retentissaient des : «  La danse ! La danse ! La danse ! » Raymond s’associa aux excités ; Thierry resta muet, et même triste. Sans doute pensait-il à Aude. Quant aux six hommes, en face, ils demeuraient chagrins.
    « Ils m’observent toujours. Pourquoi ? »
    Ogier compta les gobelets devant eux. Sept. Un de trop. Briatexte avait-il bu en leur compagnie ?
    — Ah ! Jeannette, s’exclama la jongleuse. Enfin, te revoilà.
    La servante arrivait, portant un broc et des godets. Et tandis qu’elle répartissait les récipients, le regard d’Ogier remonta de ses mains fines à son visage blafard. Il y trouva une espèce d’écœurement, peut-être de la méfiance, et crut surprendre une œillade encourageante de Briatexte. La bateleuse la vit-elle aussi ? Elle s’ébaubit encore :
    — Dis-moi, Jeanneton, tu n’es pas trop mal faite. Ces mécréants s’en sont-ils aperçus ? Te tâtonnent-ils au passage comme une godinette disponible pour peu qu’ils payent gros, ou bien te comblent-ils d’égards comme une princesse du Sang ?
    — Cesse donc ! protesta Briatexte.
    Mais la jongleresse avait saisi la servante par un pan de son devantier :
    — Holà ! Jeannette. Tu ne me réponds pas ! Eh bien, je t’en préviens : ma danse va les mettre en chaleur. Protège tes tétons, prends garde à ton potron… Tu l’as si replet, sous cette robe noire, que Charles de Blois, le voyant, oublierait tous ses damoiseaux !
    La servante partit d’un pas précipité, sous les rires. Ensuite, les buveurs et mangeurs réclamèrent la danse. Indifférente aux huées, menaces, insultes et sifflets, Hérodiade saisit le gobelet d’Ogier, se servit à ras bord et avala d’un trait. Aussitôt, son teint s’aviva. Tournée vers sa guenon, elle la sermonna de l’index :
    — N’oublie pas de venir chercher mes penailles [315] .
    Apolline gémit à petits coups et se mit à battre des mains.
    — Allons, m’amie, insista le jongleur. Faut-il que je te pousse ?
    — J’y vais… À tes cordes, mon frère ; à ta turlurette, compère !
    Clignant de l’œil, elle sourit à Ogier :
    — Je m’en vais leur fournir leur content de chair fraîche !
    Insensible aux acclamations, la jongleuse se leva. Denis et Marcaillou apprêtèrent leurs instruments : le premier, un luth enrubanné de rouge et de violet ; l’autre une flûte longue comme une épée dont il tira quelques accords d’une suavité qui réjouit Apolline : elle rit en grattant ses longues oreilles tout en lançant à Ogier des œillades si effrontées que Thierry s’écria :
    — Elle vous fait des avances !… Êtes-vous enclin à porter ses couleurs ?
    — Plus volontiers que celles de qui tu sais !
    La rumeur couvrit les premiers tintements du luth mais Denis, placide, continua d’en pincer les cordes. Marcaillou, de son pied, marquait la mesure. Hérodiade parut défier l’assemblée :
    — Y a-t-il parmi vous des hommes d’esprit pur et chaste ?… Avez-vous ouï parler de Salomé ?… Vous sûrement, messire…
    Ogier, interpellé, acquiesça, tandis que, parvenant au centre de la salle, Hérodiade semblait jouir du silence enroulé autour d’elle :
    — Cette Salomé, fille d’Hérode et d’Hérodiade, dansa couverte de sept voiles qu’elle enlevait un à un. Elle séduisit ainsi son oncle, Hérode Antipas, au point que, pour l’allonger sur sa couche, il lui accorda un menu plaisir : la tête de Jean-Baptiste… Oyez, les gars !… Je ne sais si c’est ainsi que s’y prend notre reine, mais elle doit se dénuder souvent, à en juger par tous les prud’hommes qu’elle a fait raccourcir !
    Il y eut des murmures : certains blâmaient cette outrageuse, mais d’autres l’approuvaient. D’un regard bref, elle défia son auditoire :
    — Salomé, ce sera moi… pour votre

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