Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
jeune ; Ogier l’interrompit :
    — Qu’allez-vous faire, maintenant ?
    — Nous passions, je vous l’ai dit. Mon frère et Marcaillou iront chanter çà et là ; moi, je les attendrai sagement… Dès la fin de ces liesses, nous partirons pour Avignon.
    Adelis aurait eu plaisir à connaître cette fille. Toujours cette crispation du cœur à l’idée qu’elle n’était plus et qu’elle reposait là - bas, sans cercueil ni prière, avec pour linceul une robe de Gratot.
    — J’ai besoin de vous trois.
    Hérodiade cilla, Marcaillou demanda :
    — Pourquoi, messire, avoir recours à des bateleurs de notre espèce ?
    Il semblait doux, accommodant ; Denis, hargneux, s’enquit :
    — Que nous faudrait-il faire ?
    — Veiller sur nos chevaux et nos harnois avec mon chien et Raymond, contre mangeaille et rétribution.
    D’un regard, les bateleurs s’interrogèrent ; ils approuvèrent en même temps.
    — Pourquoi pas, dit Denis. Et ma sœur, à quoi la destinez-vous ?
    Le ton signifiait : « N’espérez pas l’avoir dans votre couche. » Négligeant ce hutin, Ogier interpella Hérodiade, assise sur une selle et occupée à tapoter l’échine de Saladin.
    — Il y a un trépied dans notre pavillon, et des patelles, marmites, écuelles : tout ce qu’il faut pour cuisiner. Vous feriez cela mieux que mon sergent.
    La jongleuse entra sous la tente ; Ogier l’entendit manier les ustensiles de fer et d’étain ; quand elle ressortit, elle agitait les robes de Gratot :
    — Votre dame, votre concubine, votre sœur ou votre meschine [344] vous a quittés ?
    — Hélas ! oui, dit Ogier en se refusant à croiser le regard de la bateleuse.
    —  Boudious, pour avoir des vêtements pareils, elle était riche !
    — Ces robes sont à vous : je vous les donne.
    — Holà ! ce sont des vêtements de noble… Cette femme était princesse ?
    Le regard d’Ogier accrocha celui de Raymond, pâle, exaspéré par ce ton de gaieté pourtant sans malice. Il fut à peine surpris d’entendre le sergent répliquer :
    — Princesse, elle aurait pu l’être… Mais n’en parlons plus, s’il vous plaît.
    — Qu’est-elle devenue ?
    — N’en parlons plus !
    — Ben merde, alors ! s’étonna Hérodiade, tournée vers Ogier. Qui commande céans ? Vous ou ce marmouset ?
    Elle lui souriait avec une sorte de tendresse un peu moqueuse ; il vit que ses yeux pouvaient être doux, que sa bouche était belle et qu’à nouveau Denis sourcillait. Tout proche, un chariot passa, bourré de foin jusqu’en haut des ridelles ; deux bœufs le tiraient. Marchant devant, une fourche en main, le fenassier hurla :
    — Au fourrage ! Qui veut du bon fourrage ?… Affouragez-vous ! Des cris jaillirent parmi les tentes :
    — Moi !
    — Approche !
    Des palefreniers se précipitèrent :
    — Par ici, l’homme !
    Il y eut des coups et des insultes.
    — Et nous ? demanda Raymond.
    — Nous en prendrons un peu pour ce jour d’hui et demain matin. Ensuite, dès l’après-midi, nous devrons avoir de l’avoine. Il va falloir en trouver deux ou trois boisseaux [345] …
    — Pourquoi ?
    — Parce que en les avoinant la veille et le matin de la joute, Veillantif et Marchegai auront du sang… les veines bien gonflées, et qu’ils seront nerveux, prêts à subir les efforts. Sache-le une fois pour toutes, Thierry : l’herbe endort.
    Hérodiade se recueillit un instant, comme pour s’imprégner du bruit et des cris, autour d’elle ; puis, avec cette familiarité que son frère désavouait :
    — Bien que n’étant pas maître-queux, je vous ferai à manger.
    — Vous aurez de quoi quérir notre nourriture.
    Ogier surprit le regard étonné de Thierry, et ce fut son tour d’être mécontent : « Il me fait reproche d’engager ces compagnons alors qu’il se plaignait que nous fussions si peu !… Quant à Raymond… » Le sergent l’observait d’une façon étrange, faite d’inquiétude et de résignation. Sentant qu’ils prenaient la jongleuse pour une incurable pécheresse, et peut-être l’imaginaient dans ses bras, vêtue des seules flammes noires de sa crinière, il rit et précisa :
    — Nous sommes dans la pauvreté, mais ne craignez rien : vous toucherez votre dû.
    Hérodiade haussa les épaules :
    — Ne redoutez-vous pas, vous, messire, qu’en vous encombrant de gens de notre espèce, on ne se mette à vous mésestimer ? Les grands seigneurs ont leurs

Weitere Kostenlose Bücher