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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que nous avons vu sa blessure au flanc.
    — Après sa mort, pas vrai, car vous l’avez meurtri !
    — Salopiot ! Merdeux ! hurla Thierry, approuvé par Raymond. Laissez-moi l’ébrener [38] , messire, à coups d’épée !
    L’insulte glissa sur le sergent. Il poussa un soupir : il était bien trop bon de se prêter à d’inutiles explications.
    — Parle ! exigea impatiemment Briatexte. Tu nous laisses sur notre faim.
    — Alors, messire, j’ai désarçonné cette furie… Bien sûr, c’est en relevant son viaire [39] que je me suis aperçu de notre erreur…
    Nous sommes revenus à Augignac avec elle… en la ménageant, car elle nous avait dit son nom… Comme le pont tardait à s’abaisser et que nous venions de l’aider à mettre pied à terre, elle a lâché les rênes de sa jument tout en lui criant : «  Va - t’en ! » Et la maudite bête a obéi… Ah ! la vicieuse.
    Ogier sourcilla et choisit de sourire :
    — Vicieuse ?… Cette jument, l’homme, je la connais. Je puis même t’assurer qu’elle est vierge… ce que tu n’es plus… Quant à l’intelligence, il suffit de voir ta goule pour constater que le Ciel ne t’a fait aucun présent de ce côté-là, au jour de ta naissance.
    Le sergent grogna, et cette fois, Raymond le tint en respect. Les trois autres, sentant la dissension s’envenimer, se rapprochèrent.
    — Holà ! hurla Thierry, la lance menaçante. Restez quiets !
    Indécis, la main à l’épée, ils se concertèrent du regard. Deux visages hirsutes étaient insignifiants ; l’autre, jeune, exprimait une fureur péniblement réprimée. Partant du haut de la pommette senestre, une entaille le traversait jusqu’au côté dextre du menton, épargnant le nez couvert de fer, mais transformant la bouche en groin. Personne, sans doute, ne pouvait voir ce sillon de chair oblique hérissé de poils livides sans éprouver du mésaise.
    En crachotant, le soudoyer précisa :
    — Nous avons reçu mission de retrouver cette bête, messire.
    — Mais pourquoi elle aussi ?
    Le sergent hésita ; l’Entaillé reprit son souffle puis, ce qui l’enlaidit davantage, il sourit :
    — Messire Renaud souhaitait procéder à son procès pour la faire, ensuite, écorcher vive.
    Bressolles, si maître de lui d’ordinaire, poussa un gémissement d’horreur. Briatexte grogna un «  Tudieu ! » dans lequel passait une sorte d’admiration pour qui eût osé commettre un tel forfait – ou y assister. Certes, il advenait que l’on mît judiciairement à mort des animaux après des procès aussi abstrus qu’absurdes. En voulant condamner Roxelane, les juges d’Augignac attestaient de leur perversité.
    — Pourquoi ? insista Ogier, bien qu’il connût la réponse.
    — Renaud vous hait. Il vous hait tous ! Il s’est réjoui que nous ayons occis le compagnon de votre cousine. Il paraît qu’il était chevalier ?
    Cette question vibrait d’une moquerie dont Ogier s’indigna :
    — Jean a obtenu ses éperons pour ses grands mérites. En bon état et à lui seul, il vous aurait taillés en pièces !… Hé ! oui, tu peux rire… Quant à Renaud, c’est un couard !
    — Couard ou non, c’est à voir.
    La sueur poissait les joues de l’Entaillé. Sans doute avait-il été le plus acharné à pourchasser Roxelane.
    « Rien n’est plus pervers, songea Ogier, que ces hurons [40] convertis au métier des armes non par devoir, mais parce que toutes les abominations y sont permises. »
    Il toucha de l’index la poitrine du rustique :
    — C’est toi qui as meurtri Jean… Tu te rengorges trop !
    La vanité gonfla le visage effrayant. Thierry faillit céder à l’irritation, mais Ogier releva la hampe de sa lance.
    — Sache-le, effronté : si tu foules à nouveau mon chemin, tu paieras pour ce meurtre. Sache aussi qu’avant de t’estoquer, je te trancherai la hure dans l’autre sens !
    Le rustaud voulut dégainer ; aussitôt Raymond pointa son épée sur son cou.
    — Reculez tous les quatre ! gronda Ogier. Et voyez comme vous êtes couillons : vos chevaux sont en notre pouvoir.
    Bressolles, impassible, tenait leurs rênes à pleines poignes. Un moment, l’Entaillé leva sa dextre jusqu’à sa cicatrice : elle devait le cuire ou le picoter. Un frémissement gonfla ses lèvres :
    — Nous devions vous amener à Augignac, messire Argouges. Or, c’est impossible. Mais nous vous avons devant nous, et cela

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