Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
de loin, en dépit de toute prudence, dit Ogier, indécis et troublé. Où peuvent-ils être ? Mon oncle et quelques hommes les ont-ils rejoints ?
    Il se sentait incapable de développer une idée. L’apparition de Roxelane l’emplissait d’une anxiété puissante et lourde. Son regard tomba sur les jambes et le poitrail boueux de cette coursière dont Tancrède avait fait sa complice ; du sang coulait de longues écorchures. Elle avait traversé de nombreux épiniers, allant toujours et toujours, accrochant sa crinière, ses flancs, ses rênes aux griffes et aux piquants. On l’avait poursuivie longtemps. Qui ? Pourquoi ?
    — Le mauvais sort, messire, chuchota Thierry. La chouette…
    — Ferme ta goule, Champartel. Je ne crois pas à ces sornes !
    Le silence s’emplit du souffle de Roxelane.
    — La pauvre… Si, à la malheure elle mourait, j’en serais toute doulousée.
    Adelis passa sa main sur le chanfrein de la jument, caressa son cou, puis entreprit de la soulager de sa selle, aidée en cela par Bressolles. Dans l’écurie, Marchegai s’était apaisé.
    — Pauvrette, dit dame Eyze. La voilà en sûreté.
    — Je la mène à la grange, dit Thierry que la compassion des femmes agaçait.
    — J’ai ce qu’il faut pour ses plaies, dit Matthieu Eyze. Vous en faites point : elle s’en remettra.
    Tandis que le fèvre et l’écuyer emmenaient Roxelane, Ogier décida, pour apaiser son angoisse, d’en faire l’aveu sans détour :
    — Un malheur s’est produit, j’en ai crainte. Je vous ai tout dit, lors de notre départ de Rechignac : ma cousine a fui pour se soustraire à un mariage hideux. Je l’ai aidée et adjurée de se joindre à nous, mais elle a préféré Jean…
    À quel événement devait-il se préparer ? Étrange impression que celle de cette attente où chaque instant, tout en s’égrenant, amoncelait au-dessus de lui un fardeau de mélancolie et d’incertitude. Une journée suffirait, sans doute, pour guérir Roxelane de ses frayeurs et de sa fatigue. Mais qu’était devenue Tancrède ? Et Jean ? Et son cheval Broiefort ?
    — Je sais, messire, dit Raymond, qu’il vous tarde de revoir vos parents. Et nous acceptons tout pour vous satisfaire… Mais si votre cousine est en péril non loin d’Oradour, il convient d’y aller voir.
    — Oh ! oui, messire.
    L’anxiété brillait, vivace et chaude, dans les yeux d’Adelis. Sous sa coiffure légèrement défaite, son visage lavé des ombres du passé avait la roseur de l’adolescence. Quel âge pouvait-elle avoir ? Vingt ans ? « Jamais, jusqu’à ce moment, je ne l’avais vue de si près. » Soudain gêné par les pensées enfouies dans sa mémoire, Ogier se tourna vers Hervé, attentif, une fourche à la main :
    — Cours à l’écurie. Dis à Thierry de te bailler mon épée…
    D’un geste, il exigea le silence.
    — Oyez, vous tous, ce qui nous vient.
    Des cavaliers approchaient à toute bride. Il vit Raymond, la main crispée sur la prise de son arme :
    — Dégaine et tiens-toi prêt. Souhaitons que rien de déplaisant ne se produise… Adelis et dame Perrine, allez vous enfermer… Nous n’aurons nul besoin, je crois, de revenir en arrière.
    Il s’avança jusqu’au bord du chemin et vit surgir quatre hommes d’armes. Ils étaient coiffés de cervelières à nasal et vêtus, par-dessus leurs mailles, d’un tabard de coutil mi-pourpre, mi-sinople. Ils arrêtèrent si rudement leurs roncins que ceux-ci, en hennissant, se cabrèrent.
    — La voici ! s’écria un des courantins le bras tendu vers Roxelane.
    Il sauta de sa selle. Indifférent aux grognements de Saladin, insoucieux de la présence d’Ogier et de ses compagnons, il courut vers la jument, jusqu’à ce qu’il fût arrêté par la lance qu’au sortir de l’écurie Champartel venait de pointer sur son ventre.
    — Arrière, intima l’écuyer que suivait Matthieu Eyze, une fourche à la main. Cette jument n’est pas tienne !
    — Tudieu !… Arrière aussi, ribaut, et lâche-moi ce glaive !… Ignores-tu que les chevaliers seuls s’en servent ?
    — Ribaut [35] , moi ?… Écuyer s’il te plaît !… Dis à tes compagnons de rester où ils sont s’ils veulent continuer de te porter la santé !
    Des grogneries filtrèrent à travers les barbes des trois rustiques. Elles exprimaient des sentiments connus d’Ogier : fureur, curiosité, impatience de manier les armes. Il s’approcha du sergent que Thierry

Weitere Kostenlose Bücher