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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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soignaient la guenon. À l’aide d’un rameau, Champartel balayait devant la tente.
    — Rase-moi, Thierry. Ensuite, je te ferai tomber cette barbe de deux jours qui t’enlaidit. Il faut que nous ayons bon visage pour présenter nos écus et nos heaumes sous les voûtes de Saint-Léger.
    — Mettrons-nous nos armures ?
    — Non. Nous nous adouberons cet après-midi pour nous exerciser une dernière fois. Ce matin, nous nous vêtirons en bourgeois… mais nous ceindrons l’épée. Allons, sors le rasoir !… Tu as même un reste d’eau chaude…
    Assis à califourchon sur une selle, Ogier fermait les yeux, le visage offert à la tiédeur du soleil lorsqu’une voix le fit tressaillir :
    — Holà, messires, va falloir vous éloigner !
    Un capitaine s’avançait, précédant six archers aux barbutes emplumées derrière lesquels, titubant dans leurs entraves, marchaient quatre captifs en haire guenilleuse. Le plus grand – très grand – portait sur son épaule une pioche, les trois autres une pelle ; derrière, une mule tirait un chariot empli de planches et de poutres.
    — Pourquoi devrions-nous partir ?
    — Nous allons planter là les latrines publiques.
    — Le champ est grand, messire, dit Champartel. À cent pas, sous cet orme, vous avez de la place et vous éloignerez les odeurs et les mouches.
    — Nous creusons ici par coutume. Allons, obéissez et pliez votre toile.
    Ogier bondit hors des arçons :
    — Nous resterons. Nous sommes là depuis un jour. Je vous ai vus passer hier cinq ou six fois, vous et vos hommes, et vous ne nous avez rien dit… Il y a trois trefs près du mien. Je ne connais pas ceux qui les occupent ; il me paraît probable, cependant, qu’ils refuseront tout comme moi de vous céder la place !
    Un des voisins sortit en rampant de sa tente :
    — Moins fort ! Moins fort !… Sacredieu ne peut-on reposer ?
    Quand il se redressa, Ogier vit que cet homme le dépassait d’une tête. C’était un brun imberbe, vêtu de gris du collet jusqu’au bout des chausses. L’altercation l’avait exaspéré :
    — Messire qui, je crois, vous prénommez Ogier, j’ai bien ouï ce que ce capitaine vous a enjoint, et vous approuve de vouloir demeurer. Quant à moi, si pareille sommation m’est faite de m’escamper pour céder le terrain à ce qui deviendra cent boisseaux de merdaille, je m’offenserai tout comme vous !… Mon nom est Baudouin de Bellebrune [365] … Peu me chaut, pour le moment, si nous nous affronterons… et comment, dans la lice, et qui de nous deux vaincra l’autre. Ce qui importe, c’est que me trouvant toujours du bon côté, je fais votre affaire mienne… Connars !
    Le capitaine empoigna son épée :
    — Messire, votre offense…
    Mais un homme apparut : cheveux blanchoyants, barbiche poivre et sel, yeux noirs et gais, la cinquantaine robuste, fière et même arrogante :
    — Tout beau, l’ami… Connars, c’est moi… Connars de Lonchiens [366] … Tu connaîtrais mon nom si tu faisais la guerre… Sache que si mon compère Baudouin se range aux côtés de…
    — Ogier de Fenouillet, messire.
    — Ogier de Fenouillet, je suis avec eux… Pour commencer, l’homme, montre-nous le rescrit, le bref ou la bulle nous enjoignant de céder la place à vos quatre larrons pour qu’ils creusent la fosse et installent leurs planches.
    — Je n’ai aucun parchemin, messire. J’exécute le bon vouloir de notre…
    — Et moi, trancha Bellebrune, j’exprime notre désir de demeurer céans.
    Les archers jubilaient. Il ne leur déplaisait pas que leur capitaine fût en difficulté. Quant à celui-ci, ses traits s’inscrivaient dans l’esprit d’Ogier : un visage rond au nez camard, des yeux de fouine, une bouche aux lèvres minces ; sur la joue droite, l’entaille d’un coup de lame. Ce devait être un serviteur obéissant. Mais de qui ? Tandis que Bellebrune et Lonchiens vitupéraient toujours le zèle de cet homme, l’un le traitant de malappris et l’autre de goret, les captifs attendaient, retenant des sourires. Ils étaient pâles, crasseux ; des croûtes sanglantes débordaient des fers rivés à leurs chevilles.
    — Qui sont-ils ? demanda Hérodiade à un archer.
    — Trois hurons pris à voler des raves dans un des champs de l’évêque. L’autre, le grand qui porte une houète, c’est un Goddon. Demain, nous le menons dans une geôle d’Angle.
    L’Anglais pouvait avoir vingt-cinq ans. Roux, les joues

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