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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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m’advient de tomber au pouvoir de ces démons, galope jusqu’à Gratot, épouse ma sœur et veille sur mon père et nos gens… Veille aussi sur Marchegai, Saladin et Titus… En aucun cas n’essaie de voir le roi : il s’en remettrait à Blainville et tu perdrais la vie bêtement.
    — Allons, messire !… Voilà bien de la tristesse.
    — Il me faut tout prévoir.
    Ogier n’eut aucun regret pour cet « épouse ma sœur » à la suite duquel Thierry avait rougi de confusion. Au préalable, cependant, il fallait qu’il fût armé chevalier afin d’aplanir l’obstacle essentiel de cette union : la mésalliance. Or, comment se comporterait-il à la bataille ? Certes, il était hardi…
    — Je la rendrai fière de moi.
    — Tu essaieras plutôt de la rendre heureuse !
    Des chevaliers montés les dépassaient au petit trot, leur targe armoriée sur l’épaule, leur heaume attaché au pommeau ou au troussequin de selle. Sphériques, cylindriques, ces lourdes défenses de tête enjolivées soigneusement excitèrent l’intérêt de Champartel pour lequel commençait vraiment la plongée dans ce monde à la fois tangible et surnaturel des « pardons d’armes », où la rigueur s’alliait à la déraison, où les plus mâles ardeurs s’affirmaient par des frisquetés [373] quasiment féminines pour culminer au sommet d’un couvre-chef étincelant ainsi qu’une grosse fleur sur sa tige.
    — La touffe de tissus ornant ton bassinet, Thierry, et le poing vermeil dressé sur le mien au milieu d’un tortil moins beau que le tien – ce dont je n’ai cure –, semblent bien pauvrets comparés à ce que nous voyons.
    — Messire, j’en suis ébahi. Tous ces hommes se moquent peut-être des affiquets de leur épouse… et c’est comme une fatrasie que certains arboreront sur leur tête !
    — Tout ce que l’imagination peut engendrer en fait de coiffe de fer sera bientôt aligné sous les voûtes où nous allons. Méfie-toi des apparences : les plus beaux monuments que tu vois passer n’appartiennent pas pour autant aux seigneurs les plus redoutables.
    Avide de prouesses autant que de renommée, chaque bataillard cheminant vers Saint-Léger avait choisi une fois pour toutes, selon l’usage, dans la vie, l’Histoire sainte ou le bestiaire, une figure capable de retenir l’attention, et surtout de provoquer l’admiration, le trouble ou l’hilarité des dames et damoiselles, d’où la composition de ces timbres immenses, les uns présomptueux et les autres comiques : aigle doré aux ailes refermées, unicorne rouge à l’appendice d’argent, cygne bleu, jambes d’esclave noir tournées en l’air comme s’il tombait dans un puits, loup-cervier rongeant un os, hure verte, dragon mordant sa queue, buste de femme, bras croisés sous ses tétons roses, tête de bélier encorné d’or, mufle de lion, museau d’ours noir, gueule de chat sauvage, étrave d’arche avec Noé debout près d’un tigre ; pommier au tronc enlacé d’un serpent ; d’autres encore. La plupart de ces emblèmes édifiés en pâte de parchemin, plâtre et filasse, bois ou cuir bouilli, tenaient solidement au sommet du heaume, soit par quelques rivures, soit au moyen d’une broche de fer. Juste avant la première joute, leur tortil serait assorti d’une bannerole dont les longs plis ondoieraient au vent du galop… Et le lundi soir, à l’issue de ces Pâques, il n’en resterait rien, tant la fragilité de ces édifices les vouait à la destruction. Cassés, taillés, écrasés, défoncés, arrachés, ils réapparaîtraient à de prochaines liesses. Chaque guerrier présent à Chauvigny était aussi fermement attaché à son cimier qu’à son épée, et c’était pourquoi ceux dont la mort viendrait hors d’un champ de bataille seraient ensevelis avec lui. Les riches, même, l’auraient sculpté à la tête ou au pied de leur gisant de pierre.
    — J’aimerais que ce poing m’accompagne dans la tombe, car si les lions appartiennent à mes armes, il exprime mon état d’esprit !
    — Ne parlez pas de lions, messire !
    Ils avaient été rejoints par de nombreux seigneurs et leurs écuyers à pied. Certains allongèrent le pas pour les devancer. Serpentant entre deux roncières, le chemin fut vite encombré ; des cavaliers hurlèrent pour obtenir le passage ; des protestations, menaces et huées s’élevèrent dont ils n’avaient nul souci. Aux miroitements des vêtements de mailles – hauberts,

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