Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
de son compagnon. Ogier reprit sa place sur la selle et, frottant ses joues :
    — Pose ce bassinet, Thierry, et rase-moi. Il en est grand temps !
     
    *
     
    — Veillez bien sur nos chevaux !
    — Et préparez le manger pour notre retour !
    Sur ces recommandations, Ogier et Thierry s’éloignèrent en direction des rôtisseries, boucheries et paneteries installées depuis la veille entre le camp et la cité, et dont la chalandise, composée surtout de femmes – servantes, huronnes et manantes – n’avait cessé d’augmenter dès la fin du concert des cloches.
    Leur écu sanglé dans le dos, ils marchaient fièrement, poignant leur épée de la main gauche et serrant leur coiffe de fer au creux du bras droit. Ils contournèrent les échoppes et durent cesser d’avancer : une foule immobile obstruait les chemins d’accès à la porte de l’Aumônerie.
    — Une messe en plein vent ! Presque tous les tournoyeurs y sont, messire ; certains avec leur épouse, d’autres avec leur destrier afin qu’il soit béni.
    — Les nôtres sont plus à l’aise sous la ramure.
    Une estrade montée sur des tonneaux soutenait un autel au milieu duquel une haute croix servait de perchoir aux pigeons. Devant, quatre prêtres célébraient l’office, entourés d’une douzaine de moines en froc de bure. Leurs voix se mêlaient, pesantes ou légères, et se combattaient parfois, telles qu’au lever du jour celles des bourdons, campanes et carillons. Et comme ils entonnaient le Salve dies dierum gloria [371] tous les bataillards tirèrent leur épée qu’ils levèrent le plus haut possible. D’un coup de coude, Ogier enjoignit à Thierry de poser son bassinet et de les imiter, tandis qu’un des célébrants hurlait :
    — … Salut, ô jour qui es la gloire des jours ; salut, heureuse victoire du Christ ; salut, jour digne d’être éternellement célébré ; salut, ô le premier des jours. C’est ce jour d’hui que la divine Lumière ouvre les yeux des aveugles, que le Christ dépouille l’enfer, terrasse la mort, réconcilie les hauteurs du ciel avec les abîmes de la terre…
    Les armes formaient un buisson d’acier à travers lequel le ciel paraissait plus bleu. Les hommes, les femmes s’étaient agenouillés au premier nom du Christ ; il ne restait debout que les chevaux – une cinquantaine – dont certains, irrespectueusement, crottaient, provoquant des murmures et des reculades. Ogier, derechef, porta son intérêt en direction de l’autel où tous ensemble, les officiants récitaient l’Évangile :
    — … l’heure étant venue, il se mit à table et les apôtres avec lui. « J’ai désiré vivement manger cette Pâque avec vous avant de souffrir, car je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. » Et, ayant pris une coupe…
    Thierry bâilla : il avait mal dormi ou s’ennuyait. Ogier l’imita et vit approcher deux hommes. Ils restèrent debout, parcourant la foule agenouillée d’un regard lourd de componction. Ils portaient, sur leur tabard blanc, un manteau de lin frappé d’une croix noire.
    — Les Teutoniques.
    — Que sont-ils venus faire en Poitou ?
    — Je ne sais, Thierry… Quel que soit leur dessein, nous n’en avons que faire. Mieux vaut songer à t’écueillir [372] qu’à imaginer ce que font ces hommes à Chauvigny !
    — … et le leur donna en disant : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous »…
    Renonçant à leur fixité, les moines allèrent prendre sur l’autel de profondes bassines dont les étains scintillaient. Gravement, par l’unique escalier, ils descendirent sur le pré.
    — Frère Isambert est absent…
    — Mais son compère, Pierre de la Garnière, est là… Vois : il distribue ses hosties comme des friandises… S’il ne craignait d’être désavoué, il en offrirait aux chevaux.
    Le moine vint vers eux. Les avait-il reconnus ? Il leur tendit le pain bénit qu’ils avalèrent comme des affamés. Ensuite, la foule s’éparpillant, ils saisirent leur bassinet à leurs pieds, et reculèrent pour s’engager dans la traverse d’un champ.
    — L’Isabelle a dû être prévenue hier soir. En ce moment, elle chevauche en litière avec sa tante… et Grosses-Mains.
    Ogier, dont les pensées venaient de s’évader bien au-delà de Chauvigny, s’approcha si près de l’écuyer que leurs coudes se touchèrent :
    — Souviens-t’en, Thierry : s’il

Weitere Kostenlose Bücher