Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
ses sicaires… Il devrait attendre l’instant favorable. Toujours attendre. Et espérer. Thierry, à sa droite, regardait les plumails rares et les hautes figures sur les coiffes de fer. Parvenu à quelques pas des murailles garnies d’écus et de bannières, l’écuyer s’arrêta et sourit :
    — Toutes les mêmes ! Voyez, messire !
    —  D’argent à trois chevrons brisés, d’or à dextre, de gueules à senestre, accompagnés en chef de deux marteaux et en pointe d’un marteau, ces derniers d’or emmanchés de gueules…
    —  Eh bien, messire Ogier, croyez-moi : ce ne sont pas des armoiries, c’est l’enseigne d’une forge !
    — Taisez-vous ! dit un manant. Ce sont les armes de l’évêque Fort d’Aux.
    Un remous, derrière, accrut la rumeur de cette foule en marche. Une voix aiguë ordonna :
    — Place ! Place !… Allons, gentils seigneurs…
    Ogier s’écarta, imité par Thierry et leurs voisins.
    — Laissez passer monseigneur Charles de Valois, comte d’Alençon, et messire Charles d’Espagne !
    Chevauchant des palefrois gris arzels [377] si pareils qu’on eût dit des jumeaux, les deux hommes allaient de front. Le frère du roi portait une cuirie bleu ciel, enrichie de rivets d’argent, et soutenait sous son bras gauche un heaume gris, oblong, sommé d’une fleur de lis énorme. Charles d’Espagne s’était vêtu avec une somptuosité dont son compagnon solennel eût pu prendre ombrage. Son pourpoint de velours vermeil aux épaulières bises garnies de menus grelots, le contraignait autant qu’un casaquin de femme. Ses hauts-de-chausses de soie noire, bouffants, ourlés çà et là de galons à pendentifs, scintillaient comme un ciel nocturne. Des heuses de peau de daim que des aiguillettes de fil d’argent serraient sous le genou, lui montaient à mi-cuisse. Quant aux éperons d’or du favori de Jean de Normandie, leurs molettes ouvragées en fleurs de lis semblaient des joyaux plus que les éléments d’un harnois guerrier. Son chaperon brun, crêté, rivalisait avec le heaume de joute qu’il portait accroché à sa selle : le premier s’enjolivait d’un faisceau de plumes de paon, le second d’un cœur énorme surmonté d’une couronne.
    — Ami, dit-il à Thierry en retenant son cheval, ma tente est proche de celle du frère de notre bien-aimé roi… Viens donc m’y rejoindre à vêpres afin que nous nous portions la santé !
    Il avait parlé les paupières mi-closes, d’une voix chuintante, mais pleine d’autorité. Ogier perçut la fureur de son écuyer ; il en souriait à défaut de s’en inquiéter quand une voix glacée retentit :
    — Allons, allons, avancez, messire Charles !… Nous sommes en retard.
    Blainville.
    Il montait son lourd cheval essorillé : Melkart. Bien droit sur sa selle sarrasine aux arçons d’ivoire incrustés de nacre et de cuivre, il tenait haut les rênes et semblait courroucé.
    « Il s’est vêtu presque humblement de velours gris, observa Ogier. Afin, sans doute, de se soustraire le plus possible aux regards… Son roncin, lui, se distingue ! Il est si gros que les juges doivent lui refuser l’entrée en lice. Son heaume, accroché dans son dos, porte un griffon d’argent… Une bête aussi cruelle et répugnante que lui. »
    Les ailes parcheminées de l’animal dépassaient de part et d’autre du cou de son propriétaire.
    « Ainsi, on dirait qu’il se prend pour un ange !… Un ange venimeux… Ah ! il m’aperçoit… »
    Un rire – ou un grincement –, puis :
    — Lancelot !… Justement, je pensais à toi… Est-il vrai que tu as occis mon sergent ?
    Comment l’avait-il appris ? Par Leignes, sans doute. Prudent, il s’abstenait de citer Kergœt.
    — Votre homme m’avait agressé, je me suis défendu.
    Ogier sentit sur ses épaules le poids de ce regard qu’aucune misère humaine, jamais, ne pourrait humecter.
    — Ramonnet savait se battre. La bonne chance t’a-t-elle aidé ?
    Le tutoiement après la moquerie : ce Lancelot dont il avait la bouche pleine. À qui bon se regimber, d’autant plus que cet homme l’avait jadis tutoyé. Mauvais souvenir.
    — Pour préserver ma vie, je devais prendre celle de votre écuyer… s’il l’était.
    — As-tu quelque remords ?
    Ogier retint un sourire : allons, le cœur de ce démon saignait un peu. Quelle perte, ce trépas ! Qui, désormais, accomplirait ses basses œuvres ?
    — Comment, messire, pourrais-je avoir du regret,

Weitere Kostenlose Bücher